La femme du prêtre

Et maintenant, on va où ?

Je craignais que cette histoire d’amour très simple entre un prêtre fervent, pieux et droit et une ancienne chanteuse de variété qui a largement fait basculer sa vertu par dessus les moulins ne soit qu’acide, sarcastique, plutôt cruelle et méchamment moqueuse. Car s’il est un sujet qui fait ricaner jusqu’à plus soif les neuneus de la Libre pensée et les sectaires de la Ligue des Droits de l’Homme, c’est bien le célibat ecclésiastique. D’où leur jouissance malsaine quand sont révélées les nombreuses histoires de touche-pipi exposées avec volupté dans toute la presse ; comme si ce n’était pas le cas dans le corps enseignant, chez les animateurs de colonies de vacances et – bien entendu et c’est tellement pire ! – dans le secret des familles.

J’ai bien apprécié La femme du prêtre parce que le film et la question sont traités avec mesure et tendresse ; et que la moquerie n’est ni méchante ni cruelle. Quoi de plus normal qu’un prêtre pur mais séduisant et une jeune femme sensuelle mais très idéaliste soient saisis par un coup de foudre qui va leur poser des questionnements et des préoccupations qui vont les dépasser quoi qu’ils fassent et quoi qu’ils puissent ?

Dût la chose étonner ceux qui me lisent, je ne suis pas un opposant déterminé au mariage des prêtres. Outre que la règle n’a été imposée qu’au 11ème siècle, nos frères des églises d’Orient ont la possibilité d’être mariés. La question n’est pas tellement là puisqu’on peut douter que des femmes puissent se consacrer à des hommes qui n’auront ni le lustre qu’ils pouvaient avoir il y a un siècle ou deux, ni la moindre espérance de carrière et de fortune. La chasteté est une autre question, qui n’est pas tout à fait la même que la continence, mais qui n’est prescrite que pour les ordres religieux réguliers.

Tout cela étant, le jeu insupportable, grisant, mortifiant que jouent et se jouent la superbe Valeria Villi (Sophia Loren) et le doux, bienveillant, généreux Don Mario (Marcello Mastroianni) entre Chioggia et Venise est d’une subtile intelligence. Parce que Dino Risi ne ricane pas grassement de cette situation de frustration et de respect mutuel que vivent les amoureux, mais s’interroge, sans y comprendre grand chose, ou plutôt faisant mine de ne rien comprendre ce qui peut se passer entre les deux étendards. Même si les controverses entre le fougueux Mario et sa hiérarchie (Monseigneur Caldana – Augusto Mastrantoni) peuvent paraître absurdes à qui se refuse à comprendre la particularité presbytérale, elles sont d’un niveau de qualité et d’intelligence remarquables.

Le film, pourra-t-on dire, manque un peu de l’acidité cruelle que savent mettre les réalisateurs de la comédie italienne dans leurs filmages, leurs descriptions de la pauvre réalité humaine, de ses contradictions et de ses angoisses. Mais tel qu’il est tourné, jamais féroce, jamais méchant, marquant bien que tout le monde a ses raisons selon le mot de Jean Renoir et qu’il y a une belle quantité de situations inextricables, il se modèle encore une fois sur la vraie vie.

Leave a Reply