Voilà qui n’a ni le souffle, ni l’intelligence de French connection de William Friedkin ! La French a été bâti sur la seule présence d’un des acteurs les plus bankables du cinéma français, Jean Dujardin, qui dispose d’un beau physique et d’une réelle présence mais qui, employé par des gens qui ne croient plus au cinéma, est en train de gâcher, artistiquement parlant, une carrière qui aurait pu le mettre à un certain rang. Il faut reconnaître que c’est à peu près normal, puisqu’à part de rares exceptions, le cinéma tout entier oscille entre le téléfilm complètement formaté et la superproduction pour adolescents attardés (le lancement du dernier Star Wars est, à cet égard, d’une parfaite obscénité).
Jean Dujardin, bien mis en valeur par le toujours excellent Gilles Lellouche a beau faire et le film a beau se vouloir, bien mignardement, un hommage aux films engagés des années 70 (Le juge Fayard d’Yves Boisset), il n’en a ni la violence, ni la naïveté furieuse. C’est lisse dans le pourri, a-t-on envie de se dire, tant la dénonciation des concussions, des complaisances, des corruptions qui paralysent l’action des preux chevaliers de la Morale et de la Loi (avec des majuscules) manque de violence et de détermination.
On voit bien, en gros, que le Système a digéré la révolte, qu’il s’en sert, même, pour donner bonne conscience au spectateur, prié de sortir de la salle sans pouvoir réfléchir à des questions plus essentielles. Comment se fait-il, par exemple que du réseau de la French connexion démantibulé aient pu sortir cent, mille, dix mille têtes d’une hydre qui a paisiblement envahi le monde entier ? Gibraltar, de Julien Leclercq (avec, d’ailleurs le même Gilles Lellouche) montrait beaucoup mieux l’inanité des efforts dispendieux entrepris pour lutter contre un business qui a déjà gagné la partie, ce qui est fort ennuyeux, certes mais qui, bien pire, oblige les États à déployer pour vider la mer à la petite cuillère des effectifs qui seraient mieux employés par ailleurs.
La French tourne entièrement autour de la personnalité, qui fut flamboyante, du juge Pierre Michel (Dujardin, donc) avec, en reflet presque exact, en face de lui, un célèbre parrain du Milieu marseillais, Gaétan Zampa (Lellouche) ; est-il exact – ou maladroit ? – de présenter souvent les deux hommes dans des milieux familiaux qui se ressemblent presque ? Est-ce une idée de scénariste ou de réalisateur ? Je n’en sais rien et à dire vrai, l’histoire n’est pas si passionnante qu’on ait envie de creuser ce point-là.
On connaît la fin de l’histoire – l’assassinat du Juge qui rentrait en moto déjeuner avec sa femme et ses filles par deux tueurs identiquement motorisés – mais à la différence de bien des films où l’on sait aussi que le héros ne s’en sortira pas (Jésus sera bien crucifié, Louis XVI ne parviendra pas à dépasser Varennes et Napoléon sera battu à Waterloo), on s’en fiche complètement.