La grande évasion

Mayonnaise indigeste.

Jusqu’à hier La grande évasion faisait partie de ces films célèbres que je n’ai jamais vus, pas davantage que Le Parrain, La guerre des étoiles ou Les sept samouraïs ; je suppose que nous avons tous, ainsi, des sortes de trous noirs qui ne nous gênent pas vraiment mais que, l’âge venant, nous souhaitons combler (il faudrait tout de même aussi que je me décide à lire un jour Le grand Meaulnes, par exemple).

Donc, j’ai comblé le trou (fine remarque et clin d’œil spirituel à l’essence même du film, n’est-ce pas ?), profitant de la mise en vente d’une série qui s’appelle La dernière séance, qui est patronnée par Eddy Mitchell et qui, pour un peu plus, ou un peu moins de 2€ offrait à ma concupiscence les exploits des prisonniers de l’Offlag polonais géré par la Luftwaffe.

Je ne regrette pas la somme, minime et à ma portée, mais les presque trois heures de bâillements irrépressibles qui ont gâché une soirée que j’aurais pu consacrer à voir ou revoir des tas de films plus satisfaisants. Car quelle mayonnaise ennuyeuse, cette évasion-là !

Ceux qui aiment les tunnels bien percés peuvent utilement se reporter au chef-d’œuvre du genre, Le trou de Jacques Becker, autrement plus nerveux et haletant que cette interminable historiette, diluée jusqu’à l’extrême, dont on est effaré qu’elle ait connu un tel succès mémoriel, puisqu’elle est encore rééditée…

nb70B4EXuoegiQ0C5N1fNVHIaYcJe n’ai absolument rien contre les films où plusieurs personnages accomplissent de concert (et de conserve) un projet courageux ou, même, simplement, vivent ensemble une aventure. La horde sauvage, La révolte des dieux rouges, Les douze salopards ou, du même John Sturges, Les sept mercenaires… Bons, voire très bons films, mais tous marqués par des personnalités dominantes, par des premiers rôles et, plus ou moins loin derrière, par des deuxièmes et troisièmes couteaux, quelquefois très attachants, mais qui ne viennent pas trop faire de l’ombre au héros (Bronson dans Les douze salopards, Borgnine dans La horde sauvage, McQueen dans Les sept mercenaires sont les excellents faire-valoir de, respectivement, Lee Marvin, William Holden, Yul Brynner…)

Dans La grande évasion, la pléthore d’acteurs mis en scène ne dégage pas une figure par rapport à une autre, mais englue tout le monde dans une sorte de grand jeu scout plutôt mièvre ; on n’est pas loin de se croire dans un internat d’avant-guerre, avec des adultes à la place des adolescents ; mais c’est plutôt moins onirique que Les disparus de St-Agil, moins chaleureux que Les anciens de Saint-Loup, moins mélodieux que La cage aux rossignols….

Jusqu’à ce que, presque à la fin de ce long exercice, où retentit à tout moment un thème musical hideux, simpliste et insupportable, les Allemands cessent de faire joujou et zigouillent sans états d’âme une palanquée d’évadés. On s’était presque cru dans une comédie musicale, dans un jeu du chat et de la souris, et on n’y est pas…

Si véridique qu’a été l’évasion relatée, et éclatant l’exploit technique, et si l’image cavalcadante de Steve McQueen fonçant à travers champ sur sa grosse moto est restée dans bien des mémoires, ça ne suffit pas à faire un bon film. Trop long, trop sage, trop acidulé…

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