Le désir, comme une énigme…
La Prisonnière est un film raté de Clouzot, mais un film raté de Clouzot, c’est encore très bien, et ce n’était pas la faute de l’héroïne si le scénario l’embourbait. Élisabeth Wiener qui a bien trop vite disparu du paysage cinématographique, s’est un temps adonnée à la chanson, avait un charme exquis et aurait certainement pu faire concurrence à bien d’autres…
L’atmosphère du film est terriblement datée, à coup de mobiles, de stabiles, de bibelots cinétiques, de tout un code de couleurs et de matières (plastique et toc), de fausses hardiesses (le « couple moderne » formé par Gilbert (Bernard Fresson) et de Josée (Elisabeth Wiener) : « chacun fait ce qui lui plaît et on se dit tout !« ), et, finalement d’une morale bien bourgeoise assortie d’un happy-end réconfortant.
Sans doute la distribution est-elle excellente, et Laurent Terzieff dans ce rôle de pervers fragile est-il parfait ; et puis on s’amuse beaucoup de constater que Clouzot a recampé, notamment pour la scène du vernissage, une palanquée d’acteurs connus, seconds ou troisièmes rôles de l’époque (1968) qui viennent en quelque sorte faire une pige : Pierre Richard, mais aussi André Luguet, Claude Pieplu, Jean Ozenne, Michel Piccoli ou Charles Vanel. Et, en pochette-surprise Michel Etcheverry en attentif et rassurant chirurgien et Dario Moreno en valet de chambre.
Mais pour le reste on chercherait vainement dans La Prisonnière toute la puissance et le génie de l’intrigue et des dialogues de l’auteur du Corbeau, de Quai des Orfèvres, du Salaire de la peur et des Diaboliques. Le dernier Clouzot de qualité, c’est donc La Vérité, et non pas cette Prisonnière inutile, dans quoi l’auteur met – trop timidement ! – en scène ses propres fantasmes, sans en faire vraiment pénétrer l’intérêt (toutefois, un peu sarcastiquement, on se prend à comprendre comment la femme du réalisateur, Véra, avait toujours cette tête d’animal traqué).
Mais enfin, c’est mieux que du Godard.