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Dans les années Quarante et Cinquante, aux temps où l’on était tributaire de quelques stations de radio, où la télévision était embryonnaire, où
YouTube et
Deezer n’avaient été qu’à peine imaginés par des romanciers de science-fiction et aussi aux temps où un voyage à Paris depuis la province profonde était une véritable expédition (qu’on faisait une fois dans sa vie, pour son voyage de noces, le Salon de l’Auto ou celui de l’Agriculture) il y a eu des tas de films comme
La tournée des Grands Ducs. Des films où un très mince prétexte introduisait le spectateur du samedi soir, à Guéret, Montauban ou Quimper sur la scène souvent sulfureuse des boîtes de nuit, des music-halls, des cabarets de la Capitale, nouvelle Babylone.
Quelques titres ? Il y en a à foison, sans même prendre en compte Ah ! Les belles bacchantes de Jean Loubignac (1954) où la troupe des Branquignols illustre toutes les catastrophes qui peuvent survenir lors des répétitions d’une revue (c’est l’Hellzapoppin français). Mais voyez Tourbillon de Paris (1939) d’Henri Diamant-Berger avec l’orchestre de Ray Ventura, voyez Neuf garçons, un cœur (1948) de Georges Friedland, Pigalle Saint Germain des Prés (1950) d’André Berthomieu, La rose rouge (1951) de Marcello Pagliero, Paris chante toujours (1952) de Pierre Montazel, Femmes de Paris (1953) de Jean Boyer, Casino de Paris (1957) d’André Hunebelle. Et il y en a des tas d’autres…
La tournée des Grands Ducs fonctionne sur le même principe. Le titre se réfère évidemment aux fastueuses noubas des princes russes d’avant 1914 à base de flots de champagne et de francs-or. Le souvenir en était resté si net dans les mémoires qu’un demi-siècle plus tard on se rappelait encore cette munificence. Le très mince argument du film de Norbert Carbonnaux consiste à dépêcher dans Paris by night la châtelaine d’un bled reculé (Denise Grey), accompagnée de son notaire (Roméo Carlès) et du curé du village (Jean Carmet). La petite troupe est venue dans la grande ville à la recherche de Gaston, le fils du notaire (Christian Duvaleix), lui-même dépêché auparavant pour attirer au village des artistes de renom à une fête de bienfaisance, ceci afin de restaurer le clocher de l’église… Quand vous saurez que Gaston est amoureux de Brigitte (Sophie Sel), la fille délurée de la baronne et qu’au cours de ses mésaventures il est devenu copain de Louis (Raymond Bussières, papa adoptif de Sophie Sel dans la vraie vie, au demeurant), vous serez largement assez informés.
Ce qui est assez bizarre dans le film, c’est qu’au contraire de beaucoup de ses congénères, il ne laisse pas toujours les chansons ou les spectacles aller jusqu’au bout : il les coupe, les montre en parallèle, y revient, les abandonne à moitié. Ceci pour faire suivre les pérégrinations des différents protagonistes qui n’explorent pas tous les mêmes sentiers. C’est dommage quand ça segmente un magnifique numéro de cancan au
Moulin Rouge où que ça fait abandonner l’atmosphère gouape du
Balajo de la rue de Lappe… Mais tous les numéros ne sont pas d’un très bon niveau : affreux chanteur de charme sud-américain (
Francisco Grandey), moustache à poils durs et œil calamistré, pénible
Lily Fayol, qui précéda
Annie Cordy dans la veine
fantaisiste avec encore moins de talent, monologue à prétention comique de
Roméo Carlès, défilé apathique de
mannequins nus empanachées comme au
Lido et expressives comme des limandes.
Mais au début de la tournée une jolie danse très sensuelle d’
Anak, métisse féline. Et à la fin du film, un numéro vocal extraordinaire de
June Richmond, grande chanteuse de jazz. Avec le
cancan tronqué et la rue de Lappe, ce n’est pas beaucoup… Au fait, on est plutôt content que
Denise Grey et surtout
Jean Carmet aient ensuite bien vieilli… Qu’est-ce qu’ils étaient mauvais quand ils étaient jeunes !
This entry was posted on jeudi, septembre 29th, 2016 at 10:30 and is filed under Chroniques de films. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed.
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