La vie est belle

3760054362642Fabulette gentillette.

Que cette gentille, plaisante, attendrissante petite fable ait obtenu tant d’éloges et ait reçu tant de récompenses (en tout cas tant de nominations à ces récompenses alors si recherchées, Oscars, Golden Globe et tout le toutim apprécié des professionnels de la profession) dit surtout l’époque heureuse de sa réalisation, l’optimisme débordant qui avait envahi le Nouveau Monde…

L’année 1946 a beau être celle ou le Rideau de fer se met en place et si le lucide Churchill le désigne ainsi lors d’un discours en mars, les États-Unis, dans la grande euphorie qui a suivi la victoire sur les barbares coalisés, la supériorité scientifique et militaire absolue, la prospérité recouvrée après les longues années de dépression, puis de guerre, et l’aveuglement, assez partagé, sur la véritable nature du communisme et la folie sanguinaire de Staline, se doivent de donner au monde un message positif, consensuel, un peu larmoyant, mais où le courage et – surtout ! – la vertu sont récompensés.

92616311Prise ainsi, La vie est belle est bien faite, et même très bien faite : le regard jeté sur la vie de George Bailey (James Stewart) honnête homme, travailleur, généreux, bon père et bon mari, mais sans génie particulier ni qualité extrême conforte l’idée de l’Étasunien moyen qu’il est, à sa façon, avec son impériale bonne conscience, la crème de l’Humanité et le modèle à imiter. Il faut bien quelques êtres exceptionnels pour rehausser le tableau, mais on en parle à peine (en fait le rôle est tenu par le frère de George, Harry (Todd Karns), qu’on aperçoit rarement, et qui est pourtant champion sportif et héros de la guerre). Et dans cette grisaille vertueuse, même les méchants (le terrible Mr. Potter – Lionel Barrymore) s’en sortent assez bien, en tout cas sont bernés sans être punis.

Bons sentiments, générosité, altruisme, apologie des solidarités sociales, tout est réuni pour un film un peu mièvre, pour un caramel mou larmoyant. Mais le talent de Capra passe au dessus de ces écueils. S’il est un soupçon trop long (en fait, il y a vingt bonnes minutes excédentaires) et s’il manque un peu de rythme, le film est plaisant, quelquefois émouvant, jamais ridicule (sauf lors des scènes célestes où le Bon Dieu dialogue avec Joseph et charge l’ange Clarence (Henry Travers) d’aller gagner ses ailes en sauvant George Bailey, en proie au désespoir, scènes qui ne sont pas des plus inspirées).

Il faut dire que la qualité du jeu de James Stewart lui permet de tutoyer, sans les faire choir, les nombreux obstacles scabreux dressés par un scénario trop vertueux ; et puis l’extrême charme de sa femme Mary remplit d’une telle grâce les scènes où elle apparaît qu’on tombe volontiers dans son jeu. Je lis sur Wikipédia que l’actrice Donna Reed qui incarne cette épouse modèle, n’a pas fait une bien grande carrière, son rôle le plus éclatant, après celui de La vie est belle n’étant décroché que dans Tant qu’il y aura des hommes, dont je ne me souviens guère, sinon pour certaine scène amoureuse où elle n’apparaît pas… C’est bien dommage… Voilà un visage qu’on aurait aimé revoir plus souvent…

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