La vie privée de Sherlock Holmes

affiche4

Un film qui prend son temps

Notamment pour le charme de Geneviève Page et pour l’encouragement enthousiaste de beaucoup , je m’étais promis de voir ce film dont la bruissante et élogieuse renommée est notoire. Je l’ai vu hier ; oserai-je avouer que j’ai été un peu déçu ? Naturellement, le terme déception doit être pris au sens premier : La vie privée de Sherlock Holmes est un bon, un très bon film, qui relègue derrière lui des dizaines d’oeuvres que j’ai pourtant regardées sans déplaisir ; mais c’est toujours pareil : quant on vous chante monts et merveilles sur quoi que ce soit, on s’attend à toucher l’Everest ; et quand ça n’est que le Kilimandjaro, ou même, quelquefois le Mont-Blanc, on a presque tendance à penser qu’on est resté au niveau de la mer…

Qu’est ce qui me retient dans l’adhésion complète ? J’ai lu attentivement les propos d’amateurs distingués,  suis allé voir, aussi, sur DVD Classique sur quoi figure une longue glose expliquant les intentions primitives de Wilder et déplorant que l’œuvre rêvée par le réalisateur n’ait pas été réellement mise en scène. Sans doute ! Mais comme cette œuvre idéale n’a pas été tournée, ou présentée, on se trouve – il me semble – devant un édifice un peu déséquilibré.

L’idée excellente de révéler par le menu la réalité de la vie du grand détective, ses petites faiblesses, ses travers, ses mesquineries, est présentée en deux épisodes dont les liens ne sont pas évidents et dont la longueur est disproportionnée : les séquences où Holmes est convié à donner un héritier à la danseuse étoile Pétrova, ce dont il se tire en confiant une prétendue homosexualité, se greffent assez mal, à mon sens, avec l’histoire principale.

Et cette histoire-là est un peu trop bouffonne, un peu trop burlesque pour me paraître vraiment convaincante : tous les ingrédients y sont – la concurrence féroce entre les pays européens pour trouver l’arme absolue, les manigances rocambolesques des espions, les paysages décoratifs d’Ecosse – mais il y a des niaiseries : l’attitude de Watson, trop clownesque, la taille ridicule de la reine Victoria (est-elle avérée ?), le côté presque BD de certaines scènes.

Restent des personnages remarquables, essentiellement Mycroft Holmes – Christopher Lee – qui prend très aisément le pas sur son frère Sherlock – Robert Stephens et Ilse von Hoffmanstall, naturellement, Geneviève Page (malheureusement, elle est doublée dans la VO, que j’ai seule regardée, et l’on perd le charme extrême de sa voix grave, réentendue dans la VF, dont je me suis passé quelques extraits).

Restent aussi d’excellents moments, notamment la fort émouvante lettre par laquelle Mycroft apprend à Sherlock la mort d’Ilse, fusillée par les Japonais, et le beau refus de la reine Victoria d’utiliser un engin aussi déloyal qu’un submersible – par définition non visible de l’ennemi, et peu chevaleresque – pour assurer la suprématie de la Grande-Bretagne. On conte que Louis XV reçut à Versailles un inventeur qui aurait donné aux armes françaises la prééminence absolue, puisqu’il venait rien moins que d’inventer la mitrailleuse : même refus d’une industrialisation de la mort… Ce qui fait réfléchir, dans nos ères modernes !

Leave a Reply