L’amant de Bornéo

lamantdeborneoafficheTendre gouaille.

Posons clairement les choses : L’amant de Bornéo est la seule réalisation au cinéma de Jean-Pierre Feydeau, fils de Georges et le film, adapté d’une pièce, sent clairement le théâtre : tics de langage, scènes à faire, personnages cocasses, hasards miraculeux, retournements de situations, tout sent clairement le boulevard. Mais, dans le genre du théâtre filmé, j’ai vu clairement pire et le metteur en scène parvient même quelquefois à faire oublier qu’il qu’il évolue entre cour et jardin.

S’il n’y avait que le scénario, L’amant de Bornéo ne mériterait pas qu’on s’y arrête un peu longuement : ce n’est pas qu’il soit plus idiot qu’un autre, loin de là : il joue sur la fascination pour l’exotisme et l’aventure que ressentaient jadis et ressentent peut-être encore dames et jeunes filles, l’usurpation par un quidam insignifiant du profil d’un explorateur permettait immanquablement audit quidam de recueillir dans ses bras une donzelle qui, sans cela, ne l’aurait pas même remarqué.

  l-amant-de-borneo-1942-10-g-300x234Il y a au moins deux films des années 50 qui sont de cette veine : Émile l’Africain de Robert Vernay avec Fernandel et Mon frangin du Sénégal de Guy Lacourt avec Raymond Bussières. Un peu antérieur (1942), L’amant de Bornéo présente un libraire paisible et prospère de Châteauroux (Indre) qui parvient à séduire une vedette de music-hall en se faisant passer pour un globe-trotter intrépide. L’homme, qui a beaucoup lu de récits de voyages dans sa librairie berrichonne dispose évidemment d’une quantité infinie d’anecdotes ethnologiques pittoresques : rien de tel pour éblouir la faubourienne. On devine tous les quiproquos et rebondissements qui peuvent surgir de la situation.

Pauline Carton en habilleuse et soubrette, André Alerme en monsieur sérieux de la vedette, Pierre Larquey en méthodique et obsessionnel comptable du libraire, c’est bien mais ça ne suffit évidemment pas.

l-amant-de-borneo-1942-4-g-300x252Seulement voici que jaillit – ô merveille ! – la vedette, qui s’appelle Stella Losange et qui est Arletty ; et que, surprenant et excellent, le libraire amoureux Lucien Mazerand, c’est Jean Tissier ! Une histoire d’amour entre Arletty, la fleur des faubourgs et Tissier, le nonchalant qui passe et finalement de belle amour, je ne sais pas qui en a eu l’idée, mais il a eu drôlement raison celui qui a choisi. Et ça fonctionne très bien, très drôlement, malgré les limites, dites plus avant, du théâtre filmé, quelques petites longueurs, quelques facilités prévisibles, quelques morceaux de farce indigestes (les animaux exotiques de la villa qui abrite les amours du couple et qui s’évadent).

On ne va pas se le dissimuler : au regard des critères cinéphiliques habituels, L’amant de Bornéo ne vaut pas grand chose et sans doute même un peu moins. Mais on n’a pas besoin de se dire ça pour apprécier un film…

Ni pour réclamer qu’Arletty entre au Panthéon ! (Il est vrai qu’elle s’y ennuierait…).

Leave a Reply