Je suppose que si on a lu le roman de Tom Wolfe dont est adapté Le bûcher des vanités, on doit avoir un jugement un peu plus pertinent que le mien pour jauger le film de Brian De Palma tant – au moins me semble-t-il – le film ne peut pas se démarquer trop de l’intrigue conçue par l’écrivain. Ne vous retrouvez jamais pris dans le système de la justice américaine. Dès que vous êtes pris dans la machinerie, juste la machinerie, vous avez perdu. La seule question qui demeure, c’est combien vous allez perdre écrit par exemple Wolfe selon Wikipédia.
Fonctionnement étasunien de la Justice, système de désignation des magistrats par l’élection, tout cela mâtiné de moralisme et de communautarisme anglo-saxon, tout cela assaisonné de bataillons d’avocats féroces rend très exotique un film plutôt lourdaud et semé de ces scènes de prétoire où un juge unique interprète plus en équité qu’en droit, ce qui choque un esprit frotté de droit romain et habitué à la procédure écrite.
La première demi-heure m’a pourtant paru très réussie, passé la première séquence outrancière où Peter Fallow (Bruce Willis), petit journaliste de faits divers propulsé à la gloire par un Prix Pulitzer se voit conduit devant une assemblée de connivents (ceux dont il est désormais devenu) qui l’acclament après un cheminement alcoolisé et souterrain ; métaphore, métaphore, je veux bien, mais ça manque de finesse. Le film, alors repart en arrière et explique pourquoi Fallow est désormais au devant de la scène.
Passé cette séquence, donc, l’histoire du golden-boy Maître du monde Sherman McCoy (Tom Hanks) et de sa maîtresse hystérique Maria Ruskin (Melanie Griffith) qui s’égarent dans un Bronx pouilleux et si dévasté par les gangs qu’il ferait passer la Seine Saint-Denis pour une thébaïde et qui, morts de peur, y renversent légèrement un jeune Noir agressif et parviennent à s’enfuir est bien posée.
C’est ensuite que ça se complique et se caricature. Ce n’est pas le fait du récit qui, à mon sens, décrit parfaitement et avec une certaine volupté l’engrenage qui se met en route, les diverses interactions qui, en quelques jours, vont rendre cauchemardesque la vie de Sherman McCoy/Tom Hanks. Qui a vu, stupéfait, narquois, sceptique, hilare, interloqué tout à la fois, les mâchoires du piège étasunien se refermer en mai 2011 sur celui qui était alors le Directeur général du Fonds monétaire international, le probable candidat à la prochaine élection présidentielle française (et son vraisemblable élu), et DSK présenté, avec une barbe de trois jours devant un tribunal et maintenu en détention, se doute bien que ces choses-là sont possibles au pays de George Washington et de Marilyn Monroe.
Ce n’est donc pas l’emballement vers le désastre qui me laisse si réservé, mais la lourdeur de la mise en scène de Brian De Palma, la médiocrité de sa direction d’acteurs . Peu sont seulement convenables, à l’exception de Tom Hanks, qui parvient à peu près à tenir la route et de F. Murray Abraham qui interprète le Procureur Weiss. Mais Melanie Griffith est absolument exaspérante, Morgan Freeman solennel et Bruce Willis cherche en vain à imiter le jeu de Jack Nicholson.
Bien que ce soit trop long, l’abondance des péripéties permet au Bûcher des vanités de se laisser voir sans trop d’ennui ; mais enfin, quand c’est fini, on sait qu’on ne recommencera pas.