Mortelle randonnée.
Attacherait-on de l’importance à ce film si l’on ne savait que c’est le deuxième de Dario Argento, le deuxième de la trilogie animale qu’il forme avec L’oiseau au plumage de cristal et Quatre mouches de velours gris ? C’est bien fichu, bien mené, il y a quelques scènes mémorables et un rythme soutenu, mais enfin on oubliera vite cette intrigue compliquée qui, à la fin, lors de la révélation obligée, apparaît dans une grande banalité. Et pourtant les grands films de la veine horrifique, intrigante, perturbante sont ceux où, bien après les avoir vus, on se les remémore dans la fraîcheur inquiète de son lit et où on frémit au moindre grincement d’une plinthe. Le chat à neuf queues poursuit très honnêtement son chemin, donne son lot réglementaire d’émotions et de frémissements, mais ne répand pas tout à fait cette atmosphère panique qui est tellement recherchée par l’amateur.
Sans doute doit-on reconnaître à Dario Argento le talent de dissimuler jusqu’à la fin l’identité du mystérieux tueur qui décime les chercheurs d’un mystérieux Institut scientifique de recherches génétiques et ceux qui les approchent. Vieux routier de ce genre cinématographique, je suis de ceux qui s’amusent à déceler bien avant la dernière demi-heure le nom du psychotique et à le révéler à ceux qui ont la faiblesse de regarder en même temps que moi. Ce n’est d’ailleurs pas très difficile puisqu’il s’agit d’éliminer d’emblée ceux que tout paraît désigner et de se focaliser sur celui à qui personne n’aurait osé songer, tant la révélation sera choquante ou invraisemblable d’apparence.
Admettons que le réalisateur cache assez bien et assez longuement ses cartes, qu’il s’offre même le luxe, à deux reprises, de décontenancer, de faire douter le spectateur averti avec de fausses pistes qui pourraient l’une et l’autre être empruntées et ouvrir – l’une et l’autre aussi – des précipices. Du coup (comme disent les jeunes), on est finalement un peu déçu par la révélation finale, trop ennuyeuse et terne pour n’être pas décevante. Disons qu’entretemps on ne se sera pas ennuyé.
Pourtant il me semble que Dario Argento ne maîtrise pas très bien au début – alors qu’il est pourtant scénariste, à l’origine – tous les fils de son scénario, en les éparpillant un peu trop aux quatre vents : autant de pistes que le chat a de queues, ou presque : Franco Arno (Karl Malden), journaliste fouineur devenu accidentellement aveugle (mais on ne sait pourquoi ni comment) qui vit avec Lori (Cinzia De Carolis), sa nièce orpheline de 8 ans, qui est un peu ses yeux. Carlo Giordani (James Franciscus), autre journaliste qui sera le protagoniste essentiel de l’enquête, mais dont on ne saura pas grand chose.
Enquête, parce qu’à l’intérieur d’une fondation scientifique importante et confidentielle, quelqu’un a voulu dérober des secrets, a assommé un gardien mais n’a rien dérobé. Puis, presque mécaniquement, des meurtres se succèdent. Les scientifiques de grand niveau qui entourent le directeur de l’Institut, le professeur Fulvio Terzi (Tino Carraro) ne semblent pas très nets. Le professeur pourrait ne l’être pas non plus et sa fille, ondoyante, provocante, irritante Anna (Catherine Spaak) doit bien dissimuler elle aussi son trouble petit corbillon de secrets.
Comme ça paraît ne pas suffire, Argento glisse parmi les généticiens éminents un homosexuel assez flamboyant, le Dr Braun (Horst Frank – mais si, vous le connaissez tous : c’est le tueur précieux homosexuel – déjà ! – des Tontons flingueurs) qui sera plus tard dénoncé par un homo concurrent à qui il a piqué son giton ! Et quelques autres intrigues et situations adventices. C’est un peu trop assurément.
Il est donc préférable de ne pas attacher beaucoup d’importance à l’intrigue et à se régaler de quelques scènes inquiétantes bien sympathiques ; on placera au premier rang l’équipée de l’aveugle Arno et du journaliste Giordani dans un glacial cimetière pour récupérer le médaillon d’une jeune femme morte récemment inhumée. L’instant où la porte du caveau se referme, emprisonnant Giordani est tout à fait bien venue. Et à un moment on se demande même comment il va pouvoir s’en sortir.
Que demander de plus à un film de genre ?