Le combat dans l’île

Excellent premier film d’un grand cinéaste.

Premier film remarquable, il est vrai, d’un réalisateur très atypique, très en dehors des normes et des modes, se taisant durant de longues périodes, tournant désormais des autobiographies en numérique (Le filmeur), capable de ciseler les bijoux que sont ses 24 portraits, après avoir remporté un grand succès public, avec La chamade, qui est une des meilleures adaptations de Françoise Sagan qui se puisse et un grand succès critique avec Thérèse, bluffante illustration du mystère de la Sainteté.

Premier film, donc, que Le combat dans l’île ; un film dont le scénario est partagé entre le réalisateur et Jean-Paul Rappeneau et qui est supervisé (dit le générique) par Louis Malle, dont Alain Cavalier fut l’assistant pour Ascenseur pour l’échafaud et Les amants : on a connu pires parrainages !

On retrouve d’ailleurs l’influence de Malle, beaucoup, dans les errances nocturnes parisiennes des personnages (comme celle de Florence (Jeanne Moreau, dans Ascenseur), mais aussi, singulièrement dans ce que sera, plus tard, Le Feu follet, où Alain (Maurice Ronet) croise aussi la route de l’OAS et dont le nihilisme n’est pas tout à fait sans rapport avec celui de Clément (Jean-Louis Trintignant), et où l’alcoolisme désespéré de l’un n’est pas sans rapport avec le fanatisme désespéré de l’autre (Plus de famille, plus de métier, plus d’argent, c’est très bien : comme ça, je suis un homme libre ! dit Clément à sa femme Anne – Romy Schneider -).

Les films qui mettent en scène le terrorisme de Droite sans manichéisme excessif ne sont d’ailleurs pas légion ; je ne connais, à part les deux précités, que L’insoumis, du même Cavalier, film de qualité disparu de longue date et jamais édité en DVD. Le combat dans l’île paraît se placer d’emblée dans la veine de films politiques à thèse, puis glisse brusquement dans la catégorie des films à machination (l’Univers qui s’écroule sur un type qui se sent roulé), mais s’installe ensuite dans celle des incertitudes du cœur…

Il y a du Jules et Jim, sorti le 23 janvier 1962, dans Le combat dans l’île, sorti le 7 septembre 1962 ; il y a un acteur identique, à qui est identiquement dévolu le rôle de l’amant, l’excellent mais à la diction un peu théâtrale Henri Serre ; c’est tout de même très curieux, sauf à imaginer une imbibation de Cavalier par le tournage de Truffaut. Il y a du Jules et Jim, avec une Schneider, dont ce devait être le premier rôle dramatique, et qui montre tout de suite ses immenses qualités de tragédienne ; il y a un instant, lorsqu’elle doute qu’elle pourra créer une pièce de théâtre, où elle a un regard aussi perdu, aussi émouvant que ceux qu’elle a dans le sublime L’important c’est d’aimer. Jean-Louis Trintignant, contenu, buté, incertain, fanatique montre toute la variété de son immense talent… Penser que trois mois après va sortir, en Italie, ce chef-d’œuvre absolu qu’est Le fanfaron !…

Très, très bon film, que ce Combat, à l’intrigue nerveuse, intelligente, bien contée ; une réalisation excellente, des images superbement cadrées, l’appel à l’intelligence du spectateur, grâce à des ellipses jamais obscures…

Un très beau film d’un grand réalisateur !

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