Le mari de la coiffeuse

Disparate.

J’ai beau faire et éprouver pour le cinéma de Patrice Leconte une particulière sympathie, je ne parviens pas à apprécier Le mari de la coiffeuse, revu tout à l’heure pour la quatrième ou cinquième fois et qui me semble artificiel, sans substance, pulvérulent, si je puis dire. Ce n’est pas du tout un film raté, comme ceux que Leconte sème de temps sur son chemin (Une chance sur deux, Rue des plaisirs et quelques autres, mais c’est normal lorsqu’on tourne beaucoup), mais ça ne parvient pas à me toucher comme l’ont fait, et au plus haut point, Tandem, Le parfum d’Yvonne, La fille sur le pont, L’homme du train ou, plus récemment, Une promesse.

Un des plaisirs des DVD est qu’ils offrent quelquefois, dans leurs suppléments, le bonheur d’un commentaire et de points de vue qui éclairent les intentions de l’auteur du film ou livrent certaines clés de ses choix. Précisément Patrice Leconte est un des meilleurs exégètes de ses réalisations et il a très souvent des aperçus passionnants, éclairants en tout cas, sur ses films. Et lorsqu’il parle du Mari de la coiffeuse, il le fait avec beaucoup de pénétration et de clarté. On voit qu’il a absolument aimé réaliser cette histoire, partie d’un peu n’importe où, d’une vague idée, assez courte, qu’il trimballait dans sa tête et du désir du producteur Thierry de Ganay de travailler avec lui.

oerastistiskommotriasJe puis concevoir ce que cette histoire d’amour minimaliste (dixit Leconte) pouvait avoir d’intéressant à filmer, dans une sorte de tour de force scénaristique : un gamin tranquille des années Cinquante a éveillé sa sensualité dans l’atmosphère du salon de coiffure tenu par une dame (Anne-Marie Pisani) opulente, généreuse, rousse et odoriférante (de la si particulière Odor di femina) ; dès lors, Antoine (Jean Rochefort) rêvera continûment à replonger dans ses émois d’antan, au milieu des réclames pour la gomina Pento, des vaporisateurs et des lotions à la rose ou à la violette, dans le cliquetis léger des tondeuses. Et lorsque, au hasard des jours, il rencontrera Mathilde (Anna Galiena), il vivra avec elle une perfection d’histoire amoureuse, toute nouée d’un érotisme à la fois tendre et dévorant.

Si dévorant que Mathilde s’échappera de cette servitude mutuelle volontaire délicieuse pour qu’elle trouve une belle fin grave avant de s’étioler. Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve, comme chantait Jane Birkin dans la chanson de Serge Gainsbourg. Et pourtant la note grave de la fin n’est pas une note triste. C’est un film d’une grande intelligence, d’une grande délicatesse, d’une grande subtilité.

Le mari de la coiffeuse fut célébré par la critique, reçut le prix Louis Delluc et des tas de nominations aux Césars. Il n’y a aucune raison de ne pas aimer le film, souvent baroque et surprenant, mêlant de petits bouts de souvenirs d’enfance très charmeurs et drôles, une histoire d’amour assez belle, des acteurs épatants, des scènes baroques quelquefois bouleversantes (le vieux coiffeur Isidore/Maurice Chevit dans son hospice), quelquefois incongrues (Rochefort amateur de danse orientale). Si j’écris que le film est, à mes yeux, un salmigondis léger, insipide je serai absurde et même injuste ; et pourtant, c’est bien cela que je ressens : trop disparate pour me toucher…

Leave a Reply