Qu’est-ce qui manque au Retour de Casanova pour mériter de ma part une note simplement moyenne ? Sûrement pas grand chose, et pourtant je n’ai jamais senti que le film pouvait décoller, quitter son petit souffle agréable et ornemental pour aller plus loin. Et il y avait pourtant bien des choses intéressantes posées sur l’écran.
D’abord, à la base, un court roman d’Arthur Schnitzler, Viennois complexe et onirique (pléonasme ?) dont La Ronde et Traumnovelle (Eyes wide shut) ont été magnifiquement adaptés par Max Ophuls et Stanley Kubrick ; et l’adaptateur, Jean-Claude Carrière n’est pas loin d’être ce qui se fait de mieux dans ce domaine. Puis le personnage de Casanova, dont la vie est un époustouflant roman (qu’il a d’ailleurs écrit, nul n’étant mieux servi que par soi-même : 3 tomes dans la nouvelle édition Pléiade, tout de même !) ; un roman qui a inspiré une bonne dizaine de cinéastes, parmi lesquels Comencini et Fellini.
Et le parti pris de montrer l’aventurier tel qu’il fut : joueur, cynique, hâbleur, tricheur, susceptible, dépressif, exalté, généreux mais rapace, tenant pour rien la vertu des femmes et la droiture des hommes ; et aussi superstitieux mais sceptique, libertin, libre-penseur, mais nullement prêt à sacrifier le moindre de ses plaisirs pour une cause. Symbole éclairant de la fin du 18ème siècle, le point le plus extrême de la Civilisation, qui danse sur un volcan faute d’avoir su se réformer à temps.
Qualité des décors (le château campagnard de La Mogère, près de Montpellier, occupé et donc entretenu depuis sa construction par la même famille), qualité de la lumière, photographiée par l’excellent Jean Penzer ; la mise en scène du peu notoire Édouard Niermans n’est pas désagréable.
Et qualité de l’interprétation. La jeune Elsa ne manque pas de charme et offre un joli corps frais ; c’est le dernier rôle d’Alain Cuny, que je n’ai jamais pu piffer (que je sois honnête : il est plutôt bien dans le Satyricon de Fellini) mais qui, là, en vieil aristocrate roué, poudré, subtil et méprisant est absolument parfait. Fabrice Luchini joue le valet de comédie comme personne, on le sait. Et Alain Delon était fait pour interpréter Casanova, tour à tour boudeur, ennuyé, violent, amoureux, lâche, prêt à tout, y compris au pire pour avoir Marcolina (Elsa), tendre, brutal…
Tout y est. Ça ne prend pourtant pas, on semble rester à la surface. C’est bien dommage.