C’est un Belmondo en Monsieur Boum-Boum de trop ; on pourrait d’ailleurs aussi presque dire que c’est un Deray de trop et qu’après l’excellent On ne meurt que deux fois, le cinéaste n’a plus rien tourné d’intéressant (à la toute petite exception de Netchaïev est de retour, qui ne vaut déjà pas grand chose).
Le solitaire est poussif, languissant, ennuyeux comme une pluie d’hiver. Pratiquement tout y est indécent de banalité : la chaude amitié virile du début, interrompue par le sauvage assassinat de Michel Creton ; la concurrence détestable entre les différentes brigades de la PJ (avec un Michel Beaune assez gluant) ; l’existence d’un charmant blondinet, fils du flic mort et filleul du vivant ; la succession de mandales envoyées en pleine poire aux indicateurs récalcitrants ; les innombrables succès féminins du commissaire Stan Jalard (Belmondo, donc) qui a une amoureuse dans chaque bar de nuit et dans chaque clandé.
Ajoutons à ça, qui n’est donc rien, une musique absolument insignifiante, dont on ne retiendra pas trois notes et des dialogues qui sont très au dessous de la ligne de flottaison de l’indigence. Et comme Belmondo avait été blessé quelque temps auparavant (et allait l’être quelque temps après à nouveau) lors de cascades (l’âge est un vigilant et impitoyable magister !), il y a dans ce film beaucoup moins de ces morceaux de bravoure que, bon an, mal an on allait rituellement retrouver au cinéma dans ces époques.
Il y avait pourtant une idée assez intéressante et un personnage que Jacques Deray et ses scénaristes auraient pu et dû développer, d’autant qu’il est remarquablement interprété par Jean-Pierre Malo, au visage inquiétant, c’est celui du tueur sadique Schneider, qui est complètement dépourvu de toute humanité et de toute émotivité. On a beau répéter, depuis Hitchcock, que Meilleur est le méchant, meilleur est le film, on n’est pas satisfait que des gens de cinéma aussi expérimentés (en plus de Deray, il y a Alphonse Boudard et Daniel Saint-Hamont) négligent cette vérité et ce gage d’efficacité. Dans Le solitaire, toutes les scènes avec Shneider (finalement quatre ou cinq seulement) sont vibrantes et angoissantes, toutes les autres – c’est-à-dire la quasi totalité du film – sont lourdingues.
C’est vraiment à regretter d’avoir perdu 90 minutes de sa vie à regarder ça.