L’oeil était dans la tombe.
Je n’irai pas jusqu’à dire que ce film de série de la célèbre Hammer (qui, pour des raisons juridiques conjoncturelles n’est pas créditée au générique, comme expliqué dans un supplément du Dvd), je n’irai pas jusqu’à dire que ce bon spectacle de cinéma de quartier hantera mes nuits d’angoisse. Non, tout de même : c’est un peu fauché, l’intrigue est terriblement téléphonée et, sauf à être totalement ignorant de la grammaire élémentaire du film fantastique, les péripéties sont absolument prévisibles. Malgré une dernière image un tout petit peu ambiguë, la fin du film est extrêmement morale et d’un classicisme éprouvé : le mariage des deux personnages positifs, Elizabeth Venable (Barbara Shelley) et Michael Latimer (Conrad Phillips).
Cela étant, le scénario est solide et Le spectre du chat ronronne très agréablement, si j’ose dire, dans une histoire qui est un nouvel avatar cinématographique de la nouvelle célèbre d’Edgar Poe qui s’appelle Le chat noir, qui a donné lieu à quelques adaptations (The black cat de Albert S. Rogell en 1941) : un félin a assisté à un crime et n’a de cesse que de mettre hors d’état de nuire les assassins et leurs complices. C’est plus subtil chez Poe, mais le film de John Gilling reprend exactement cette trame : une vieille femme riche, Ella Venable (Catherine Lacey) est assassinée sur l’ordre de son mari rapace, Walter (André Morell) par son domestique Andrew (Andrew Crawford) aidée par la servante Clara (Freda Jackson). Sont aussi dans le coup le neveu du mari, Edgar (Richard Warner), son fils Jacob, qui sort de prison (William Lucas) et sa bru Louise (Vanda Godsell). Et tout ça pour spolier de l’héritage la charmante Elizabeth (Barbara Shelley).
Tout le suc du film consiste dans l’inventivité de l’élimination des méchants par l’intervention du chat qui a vu l’assassinat et l’inhumation de sa maîtresse chérie. Intervention directe (le chat se jette sur la servante Clara qui tombe dans l’escalier et se rompt le cou) ou indirecte (son apparition imprévue tue d’une crise cardiaque le vieux Walter, il entraîne dans un marécage le serviteur Andrew qui s’engloutit dans des sables mouvants, etc.). Tous les méchants tués et le testament de la morte en faveur de sa nièce chérie Elizabeth retrouvé, la morale est sauve et les spectateurs bien contents.
Récit classique et lisse, donc, mais mise en scène intéressante : variété des interventions du chat, cadre victorien toujours agréable à regarder, jeu des acteurs tout à fait convaincant. À quelques reprises (peut-être un peu trop fréquentes à la fin) John Gilling adopte le point de vue du chat en filmant en contre-plongée et en plaçant sur sa caméra un objectif légèrement déformant, censé montrer au spectateur ce que voit le matou ; l’effet est assez facile, mais il n’est pas complètement superflu.
Spectacle agréable, donc, mais à recommander seulement aux amateurs de ces films d’angoisse de second rayon.