Gai rossignol ou merle moqueur ?
Le Parti communiste ayant eu l’excellente idée de mettre ce film en accès libre dans son fonds documentaire Ciné-Archives, je me suis précipité, dès la chose sue, sur ce petit trésor d’archaïsme. Confectionné par Jean-Paul Le Chanois (qui signe de son véritable nom, Jean-Paul Dreyfus) pour appuyer une campagne du Parti en faveur de la retraite des vieux, il est sorti en janvier 1938, aux temps où les espoirs fous portés par le Front populaire commençaient à céder devant la réalité.
Le gouvernement du socialiste Léon Blum avait en effet, depuis le 21 juin 1937 déjà laissé la place à celui du radical Camille Chautemps beaucoup plus timide ; mais le PCF, qui n’avait que soutenu le Cabinet Blum, sans y participer, ne désespérait pas de pousser plus loin les avantages qu’il avait recueillis pendant la brève période des espérances révolutionnaires. Il menait d’ailleurs à ce moment là une politique de main tendue plutôt ouverte (voir le rôle positif mené par un prêtre ami des malheureux, mais impuissant à les aider vraiment, dans Le temps des cerises).
Tourné avec le concours d’habituels
compagnons de route du Parti, notamment
Jean Dasté,
Jacques Brunius,
Guy Decomble,
Fabien Loris (
Avril, l’homme de main de Lacenaire dans
Les enfants du Paradis),
Gaston Modot (
Schumacher, le garde-chasse de
La règle du jeu), le film essaye de raconter les histoires parallèles de deux enfants nés l’un et l’autre le 1er mai 1895, l’un dans la bourgeoise famille Brérault (usines, hôtel particulier, domaine campagnard, chasses, étang privé, domestiques et tout le bataclan), l’autre dans la prolétaire famille Ravaux (appartement modeste mais bien tenu, qualité professionnelle exemplaire, liens familiaux étroits et chaleureux, cousinages fraternels dans une pauvre petite ferme dont sont propriétaires les rapaces Brérault, naturellement).
Ce n’est pas le manichéisme du propos qui me gêne, évidemment : c’est la loi du genre et cette vision binaire a même, pour qui prend un peu de distance, beaucoup de charme. Elle est, en tout cas, le propre des films militants (et celui-ci marque beaucoup moins de
haine sociale que
Le rendez-vous des quais de 1951 et ses saboteurs de matériel destiné à nos soldats qui se battaient en Indochine) avec leurs naïvetés, leurs enthousiasmes et leur bonne conscience. Mais le film est un trop grand fouillis, mal conté, mal maîtrisé, qui ne tient que par les acteurs (
Gaston Modot en premier lieu, mais aussi la très jolie
Svetlana Pitoeff) et par quelques morceaux de bravoure (l’épisode de la
fraternité de guerre, fort bien filmé, malgré de petits moyens, la visite à l’Exposition de 1937 avec, en arrière-plan, le pavillon soviétique). Et puis, pour les amateurs, l’extrait d’un discours de
Jacques Duclos au gymnase Japy devant un parterre de vieillards enthousiastes qui lèvent le poing et chantent
L’Internationale à gorge déployée.
Et tous ceux-là sont bien plus intéressants que les dinosaures de Jurassic park.
This entry was posted on mercredi, juin 15th, 2016 at 22:36 and is filed under Chroniques de films. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed.
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