Le territoire des loups

Septentrion.

Eh bien je ne suivrai pas jusqu’aux hauteurs abyssales qui ont placé Le territoire des loups presque au même niveau que Delivrance mais j’ai passé une excellente fin d’après-midi grâce à ces  dithyrambes, qui m’ont permis de surmonter mon aversion pour la fréquentation des salles de cinéma, trop chauffées, trop bruyantes et trop emplies.

C’est très spectaculaire, très bien fichu et je ne me suis pas ennuyé un seul instant, ou alors à peine, lors des trop nombreuses évocations, un peu mièvres à mon goût, des vies d’avant, et des douceurs de la vie. Le grand écran, le son surround, la violence des scènes sont très bien adaptés à l’affreuse situation qui échoit aux malheureux naufragés.

Mais naufragés dans une nature effrayante, hostile, monstrueuse, une nature qui n’est en rien adaptée à l’homme. J’ai évidemment la conviction que la nature n’est pas la douce almée que Rousseau et ses épigones ont célébré en pleurnichant de joie femelle : la Nature est indifférente à nos tressaillements et nous n’avons que plus de mérite à essayer, ici et là, de la dompter. C’était ce qui faisait la trame de l’immense Delivrance, sûrement le film le plus souvent cité aux premiers rangs des listes de films préférés des amateurs de cinéma quelles que soient, par ailleurs, leurs préférences. Le territoire des loups présente, d’emblée, des contrées insupportables, d’une violente hostilité, où l’Homme, précisément, n’a pas sa place, où il est intrus, brindille fragile au milieu des glaces, des arbres immenses et des blizzards insupportables. Dès lors, il n’y a aucune raison pour qu’il y soit toléré.

J’ai bien aimé le rythme du film et l’ingéniosité des péripéties, mais beaucoup moins l’absence de caractérisation claire des protagonistes, que l’on confond un peu au début, jusqu’à ce qu’ils soient réduits à de plus en plus simples expressions ; j’ai moins aimé encore la façon de filmer, bien trop moderne à mon goût, privilégiant les gros plans de visages et adoptant ces manies actuelles de montages trop saccadées : rares sont les plans de durée suffisante qui permettraient de montrer la virtuosité du cinéaste, de le confronter à son sujet : je me souviens de l’un d’entre eux, lorsque les survivants – qui doivent encore être cinq – torches fichées en terre, affrontent la forêt, les loups, l’obscurité, l’immensité des terres glacées… Je suis sensible aux plans qui synthétisent un film… Disons que je n’en ai pas trouvé beaucoup qui me satisfassent.

Mais ces réserves faites sont vénielles, pour un excellent film d’action. Le comparer à la parfaite parabole Delivrance me semble excessif : c’est moins sec, moins cruel, plus prévisible et moins inquiétant : la détermination farouche de Liam Neeson, dans la dernière séquence, est beaucoup plus héroïque, mais beaucoup moins perturbante que l’œil terrifié et inconsolable de Jon Voight dans le film de Boorman.

Cela dit, j’ai  passé deux heures frémissantes…

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