Le visiteur

Pour les siècles des siècles.

Le Concile Vatican II s’est déroulé d’octobre 1962 à décembre 1965 à l’initiative de Saint Jean XXIII. C’est peu dire qu’il a apporté de très notables changements à la liturgie catholique traditionnelle. Dans les années qui ont suivi sa clôture, sous Saint Paul VI, transformations introduites ont suscité, ici et là, des dérives quelquefois très profondes et significatives, allant toutes dans le sens de la diminution de la sacralité de l’Église, au bénéfice d’une bienveillance universaliste qui ne permettait en rien de distinguer le christianisme d’un humanisme passe-partout.

Le film de Jack Gold, qui date de 1974, imagine que, dans un monde ultérieur (mais qui pourrait être notre propre époque), l’Église s’est totalement transformée et déchristianisée, se fondant dans un total œcuménisme spiritualiste avec toutes les religions du monde. C’est le triomphe de ce que l’intégriste Abbé Georges de Nantes avait appelé (avant de devenir complétement fou) le Mouvement d’Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle, le MASDU.

Il ne demeure plus, dans le monde, qu’une petite vingtaine de moines isolés, dans l’île sauvage et rugueuse irlandaise de Tork, qui persistent à célébrer le culte divin dans la forme qu’ils ont toujours connue et pratiquée. Le malheur, pour les autorités vaticanes, est que leur pratique attire de plus en plus de fidèles et que des charters amènent du monde entier des catholiques qui souhaitent entendre la messe en latin, dire le chapelet, se confesser individuellement ; ne pas renoncer à la pratique ancienne.

Ceci n’est pas acceptable pour l’Ordre des Albanésiens (fictif) dont le Père Supérieur (Raf Vallone), tout d’onctuosité et d’hypocrisie missionne le jeune P. Konchella (Martin Sheen) d’aller – si je puis dire – sonner les cloches à la communauté et lui intimer l’ordre de renoncer à ses détestables pratiques.

Tous ceux qui s’intéressent un peu au cheminement de l’Église depuis une soixantaine d’années auront bien reconnu, en sous-main, le conflit qui a opposé le Vatican aux rebelles conduits par l’évêque Marcel Lefebvre, séisme qui n’est pas encore tout à fait résolu. J’aurais été à deux doigts de dire que tout cela faisait partie de l’histoire ancienne, grâce à l’action bienfaisante de Benoît XVI, si le Pape François, dans une de ses dernières forfaitures, ne souhaitait persécuter les adeptes de la messe en latin et du prêtre tournant le dos aux fidèles (adeptes dont je ne suis pas, pas du tout, mais qui ne me gênent nullement).Il y aurait un film intéressant – mais très compliqué – à réaliser sur les conceptions diverses de la liturgie catholique ; les questions sur l’universalité de la langue latine sont bien exposées dans Le visiteur, sans manichéisme, ni propos obtus. Un peu plus subtils, ceux sur le sacrifice de la messe, simple rituel commémoratif pour certains (les réformés), mystère stupéfiant et miraculeux de la transsubstantiation par les autres (les catholiques). En tout cas le film aborde ces hautes questions.

Mais il offre une autre direction. À l’abbaye de Tork le P. Kinsella/Sheen est confronté au P. Abbé (Trevor Howard), homme à forte personnalité qui dirige avec à la fois rigueur et bienveillance ses brebis. Et le vrai sujet du film se situe là, à mon sens : dans la misère spirituelle du Supérieur qui ne croit pas (ne croit plus ? n’a jamais cru ?) en Dieu et demeure à l’abbaye comme un manager bien impliqué mais sceptique, voire découragé sur l’intérêt, le sens de sa tâche.

Jusqu’à la fin, qui est très ouverte et qu’on peut juger très belle.

Dieu merci, l’Église d’aujourd’hui, qui sort à peine de la crise, ne se porte pas si mal pour qui la vit de l’intérieur. Et puis après tout, si c’est une imposture qui a duré 2000 ans, tant pis pour nous qui y avons cru. Et si ce n’en est pas une, le Bon Dieu saura bien arranger les choses !

 

 

 

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