Les bobos peints par eux-mêmes.
On se demande bien où est la différence entre ce film et un truc tourné pour la télévision. On se dit, d’ailleurs que si ça avait été financé pour TF1, il y avait moyen de tirer une longue série de l’histoire de ce couple un peu plus que trentenaire affublé de deux charmantes jumelles de 7 ou 8 ans, qui vit dans une maison pleine de charme on ne sait où dans ce qui doit être la banlieue parisienne colonisée par les professions boboïsées. Ça pourrait être à Montreuil ou à Bagnolet, dans une de ces communes où, tout doucement la pression immobilière et la griserie libertaire alternative écologiste locavore attirent des tas de gens.
Ça pourrait être une série qui raconterait la rencontre forcément merveilleuse entre Marie (Bérénice Béjo), issue d’une famille qui a du pognon, qui travaille on ne sait à quoi et Boris (Cédric Kahn), qui provient d’un milieu modeste et qui doit être quelque chose comme architecte décorateur mais court après les commandes et qui est, en plus, affligé de la détestable passion du jeu. Étalée sur plusieurs semaines, la série montrerait les débuts de l’amour partagé, les difficultés d’adaptation mutuelles aux clivages sociétaux, la naissance heureuse des jumelles, les charmantes Jade et Margaux Soentjens, la vraisemblable mort du père de Marie, qui a dû être un sale bourgeois coureur égoïste et ne méritait pas d’être marié à la paisible Christine (Marthe Keller, qu’on est bien content de retrouver). Et puis le cheminement de la vie, les premières escarmouches, les vraies disputes, les travaux intelligents effectués par Boris dans la maison qui, grâce à son bon goût, a acquis une forte plus-value.
Et ainsi de suite. Et l’épisode affublé du titre du film, L’économie du couple, se situerait, dans cette saga qu’on pourrait prolonger à l’envi, tant elle colle à la vie de beaucoup de monde, au moment où les dissensions étant devenues trop insupportables, le couple a décidé vraiment de se séparer. Boris est en sursis dans la maison, Marie ne lui accordant qu’à peine le gîte et rarement le couvert. C’est le temps des mesquineries, des exaspérations, des disputes hurlées devant des gamines qui ont le mérite de n’en paraître pas excessivement traumatisées, mais à qui il faut expliquer pourquoi elles ont ballottées selon les jours entre deux parents qui ne se supportent plus.
En fait, c’est surtout Marie qui veut vraiment rompre, selon la pratique habituelle qui veut que ce soient les femmes qui prennent les décisions radicales, les hommes espérant toujours on ne sait quel miracle qui les dispenserait de remettre en cause la situation atterrante dans laquelle ils se sont mis. Et tout cela, naturellement, accompagné des disputes insupportables sur les questions d’argent. La maison appartenant à Marie, elle ne veut en donner qu’un tiers de son prix à Boris, qui en exige la moitié parce que ce sont les travaux qu’il y a effectués qui lui ont donné sa valeur.
Tout ceci n’est pas mal fait du tout et, de fait, ça doit bien souvent se passer ainsi, en tout cas dans ces couples modernes qui, une fois les feux passionnels éteints, se retrouvent si décontenancés et atones qu’ils n’ont plus d’autre ressource que de se séparer. Constat évident de la mère de Marie (Marthe Keller, donc) : Avant, on réparait les chaussettes, les frigidaires et maintenant, on jette… et dans le couple, on jette. Eh oui, le progrès fait rage…
Le réalisateur, Joachim Lafosse est, comme ses acteurs principaux, Bérénice Béjo et Cédric Kahn issu d’une famille très aisée et Mazarine Pingeot, la fille de qui on sait est sa co-scénariste; ils décrivent ce qu’ils connaissent ; on se dit que le 21ème siècle est vraiment mal barré.