Les chasses du comte Zaroff

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L’angoisse de l’aube

Un des films d’effroi les plus mythiques de l’histoire du cinéma ne dure que 62 minutes ! Mais une heure d’une densité extraordinaire, où aucune seconde n’est perdue, où toutes les séquences concourent à une intelligente tension ! Schoedsack ne perd aucune instant pour poser l’atmosphère, montrer ce bateau qui cingle dans les parages d’une île inconnue, présenter le grand chasseur Rainsford (Joel McCrea) qui, en une phrase ambiguë donne le ton du film : « Le tigre que je chasse ne prend-il pas autant de plaisir à être chassé que moi à le chasser ?« , se débarrasser des autres voyageurs, noyés, ou dévorés par les requins qui pullulent et introduire le héros dans le cadre baroque du château du comte Zaroff.

chasses_comte_zaroff_3Je me demande d’ailleurs, moi qui suis si fort amateur du plus beau Dracula qui se puisse, le Cauchemar de 1958, si Terence Fisher ne s’est pas inspiré de l’oeuvre de Schoedsack pour planter son décor, jusque dans le générique, la gargouille ornementale en forme d’aigle du château de Dracula étant reprise du heurtoir représentant un centaure blessé par une flèche (Nessus ?) de la demeure de Zaroff et la topographie des manoirs présentant bien des similitudes.

Cela étant, l’évidence de la monstruosité de Zaroff n’est nullement dissimulée ; il y a dans ce dandy blasé, conscient de sa démesure, une dimension très humaine, pourtant : la nécessité de combattre la lassitude et de renouveler sa capacité d’émotion ; en ceci, il y a de curieuses ressemblances avec le M. V du Roi sans divertissement qui tue pour échapper à l’ennui.

Zaroff, très bien interprété par Leslie Banks, joue, donc, en fixant lui-même les règles de son jeu sanglant, mais en respectant strictement ces règles ; ainsi prévient-il Rainsford de ne pas s’engager dans les marécages, où il « n’aurait aucune chance« , ainsi s’attache-t-il à respecter l’heure-limite de la chasse à l’issue de quoi, si le gibier humain n’est pas tué, il aura la vie sauve…

chasses_comte_zaroff_2Le film est plastiquement magnifique, aussi bien dans la première partie, dans le château, que dans la jungle ; les prises de vue sont d’une étonnante modernité, nourries de plongées et contre-plongées, sachant faire monter l’angoisse d’un rien, cadrage sur la fosse où se tiennent les chiens, herbes tropicales effilées comme des lances, brume sur les marécages. L’avant-dernier plan, où Zaroff, blessé à mort, guette la fuite en canot de Rainsford et d’Eve Townbridge (la Fay Wray du King Kong du même Schoedsack) est une pure merveille.

L’édition DVD zone 2 (anglais, sous-titres français uniquement) est excellente, compte tenu de l’ancienneté du film (1932), avec des contrastes bien accentués, et une image très nette.

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