On songe forcément, en retrouvant dans Les poupées russes Xavier Rousseau (Romain Duris) cinq ans après L’auberge espagnole au personnage d’Antoine Doinel (Jean-Pierre Léaud), mis en scène dans cinq films. On n’en est là qu’au deuxième, mais il y aura ensuite un numéro trois, Casse-tête chinois, et rien ne dit que Cédric Klapisch ne mijote pas un nouvel opus. Après tout la vie des hommes est assez intéressante et variée, pour qui sait la regarder et on peut bien s’amuser en parcourir toutes les strates, de l’adolescence au grand âge, avec à la fois ironie et empathie.
Mais Cédric Klapisch n’est pas François Truffaut ; enfin… j’espère qu’il ne prétend pas l’être. Et puis même, d’ailleurs, les derniers films de la saga Doinel (notamment L’amour en fuite) ratatouillaient un peu. Rien n’est plus difficile que la permanence et la durée.
Ce qui était amusant et intéressant, dans L’auberge espagnole, c’était précisément l’Espagne, ou plutôt la juxtaposition, dans la charmeuse Barcelone, d’étudiants venus de toute l’Europe, qui vivaient là, dans le cadre du projet Erasmus, une année un peu hors sol, pleine de découvertes de soi et des autres. Qu’est-ce qui se passe, dans Les poupées russes ? On prend quelques uns des acteurs du premier volume (et, très artificiellement, on fait revenir les autres pour une petite pige à la fin) et on mixe en remuant (un peu trop fort) le shaker. Xavier (c’est-à-dire, vraisemblablement, Klapisch lui-même, tout comme Doinel était Truffaut) connaît une sorte de parcours d’errance, à la fois professionnel et sentimental.
Notons, bien sûr, que ce coquin de Xavier connaît ses interrogations existentielles dans le cadre très parisien de l’écriture (en tant que nègre, certes, mais enfin mieux vaut ça que de pointer à l’usine à 6 heures du matin) et que les jeunes filles entre qui il ne se décide pas à choisir ne sont pas précisément des boudins grassouillets et courts sur pattes. En d’autres termes, il n’est ni un damné de la terre, ni un maudit devant l’Éternel : plutôt un Bobo parisien, qui squatte dans le loft sympa de sa copine lesbienne Isabelle (Cécile de France), couche avec Célia (Lucy Gordon), le top-modèle dont il écrit les mémoires et/ou avec Wendy (Kelly Reilly), l’Anglaise jadis connue à Barcelone en colocation, avec qui il est censé rédiger un scénario de soap-opéra (j’ajoute qu’il couchotte aussi un peu avec Martine (Audrey Tautou), qui est son ex, avec Néus (Irène Montala) avec qui il court tout nu dans les rues de Paris et avec Kassia (Aïssa Maïga), gracieuse belle plante africaine).
Tout cela est de la plus extrême banalité, paraît-il, ou semble dire Klapisch : bars branchés de la Bastille ou de Belleville, boîtes de nuit bruyantes, disputes énervées avec à peu près tout le monde, galères diverses, consommation excessive de trains Eurostar, rapports familiaux singuliers avec un gentil grand-père et une mère adepte de macrobiotique et de rollers.
Finalement, le cinéma de Cédric Klapisch, c’est un peu une grande épicerie où chacun trouve, à un moment donné, ce qui lui ressemble et ce qui lui plaît. Ce n’est pas déplaisant. Mais ce n’est que de la petite cuisine.