L’Exorciste II : l’Hérétique

e-et-cie-l-exorci...etique00-40210b5Quelle horreur !

C’est épouvantable. Et d’autant plus épouvantable que c’est un film de John Boorman, le réalisateur de Délivrance, d’Excalibur, un film qui n’a pas manqué de moyens, qui a été tourné par d’excellents acteurs (Richard Burton, Max von Sydow, Louise Fletcher – l’infirmière sadique de Vol au-dessus d’un nid de coucou – ou Linda Blair, la Regan du premier film, qui valait mieux que la suite de sa carrière ratée). La musique est d’Ennio Morricone qui, il est vrai, ne s’est pas foulé…

Il y a quelques images assez fortes, moins d’effroi que d’atmosphère, la ville sainte africaine de Jepti, en étranges et angoissantes constructions de pisé. Mais c’est tout de même épouvantable.

Un scénario atterrant de bêtise, mal fichu, mal écrit, oscillant sans cesse entre plusieurs orientations (thriller, philosophies manichéennes, complications psychologiques, images gore) sans en adopter aucune et voguant dans une bouillie indigeste, dans des symbolismes puérils, ou ridicules, ou enquiquinants (ou les trois à la fois), des péripéties invraisemblables, souvent même incompréhensibles et une impression générale de foutage de gueule. Il paraît, d’ailleurs, que le scénario connut cinq versions, toutes plus emberlificotées les unes que les autres, et que les acteurs étaient conscients de participer à une catastrophe collective. Mais que faire, quand le navire a pris la mer et fonce sur l’iceberg ?

exorcist201L’Exorciste était une réussite parfaite parce qu’il marquait une complète cohérence et qu’il offrait une histoire claire (on écrirait même limpide si le terme n’était pas osé, lorsqu’on mêle Satan au récit) : la possession diabolique d’une petite fille de la bourgeoisie artistique de la côte Est des États-Unis, rationaliste, sceptique, même, mais bien obligée de considérer au bout du compte que le Mal, dans sa dimension spirituelle, existe et marque sa puissance quand il le veut, possession intelligemment introduite par un pré-générique tourné dans un chantier de fouille d’Irak et qui est une réussite absolue, parvenait à convaincre les esprits les plus narquois. Si des images de vomissements verdâtres et des contorsions excessives paraissent aujourd’hui un peu tarte, elles arrivaient dans le crescendo du récit et participaient à sa tension. Et on sortait de la projection bouleversé et épuisé.

Dans L’Exorciste II: L’hérétique, on est dans le grandiloquent, le grotesque, le ridicule à peu près tout le temps. On ne profite même pas de la magnifique idée d’aller tourner, au cœur de l’Éthiopie, dans les fantastiques églises troglodytes de Lalibela, de filmer les stupéfiantes cérémonies du monophysisme copte. Ces images étonnantes arrivent sans nécessité et disparaissent sans raison.

Un gâchis total, absolu, irrémédiable. Et dire que le thème a donné lieu à trois autres films (L’Exorciste 3, la suite, L’Exorciste : au commencement et Dominion: Prequel to the Exorcist) tous plus hideux les uns que les autres…

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Le spiritualisme syncrétiste de  L’Exorciste II conduit sur une voie radicalement différente que l’orthodoxie chrétienne de son prédécesseur. On pourra toujours dire que c’est ma foi catholique qui me guide dans ce jugement ; sans doute, mais ça n’est pas suffisant : j’aime aussi que les films de vampire aient une cohérence complète avec la mythologie des morts vivants et des films inspirés de l’Olympe antique n’auraient ma pleine adhésion que s’ils respectaient le  »corpus » minimum admissible.

Alors que, dans le premier opus, le Père Merrin (Max von Sydow) était un fils rigoureux et discipliné de l’Église, et que le Père Karras (Jason Miller) était un prêtre à la foi angoissée, mais réelle, on retrouve, dans le deuxième volet un Merrin presque dissident et à deux doigts de l’Excommunication ; le prologue alternatif présenté dans un supplément du DVD enfonce d’ailleurs encore davantage le clou, dans le style ‘‘Le Père Merrin avait développé une doctrine où l’individu peut jouer à la fois avec le Bien et avec le Mal’‘ (je cite de mémoire) : deux forces antagonistes et de force égale, c’est bien du manichéisme, du gnosticisme, du catharisme, toutes hérésies condamnées vigoureusement par Rome.

Je dois dire aussi que les images de grosses bestioles sur le dos de qui Merrin se fait emporter m’ont paru un peu surprenantes ; en revanche, et je le répète, Boorman filme remarquablement l’atmosphère poussiéreuse de l’Afrique, illuminée par un soleil mortifère ; mais, à mon sens, il n’en tire pas un parti convaincant.

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