Le doux, le bon, le calme, l’intelligent, le généreux Longfellow Deeds (Gary Cooper) vit une existence tranquille et célibataire (pléonasme ?) dans la bourgade verdoyante de Mandrake Falls dans le Vermont, un des États les plus paisibles et les plus feuillus de la Nouvelle-Angleterre. Deeds ne demande rien d’autre à la vie que de pouvoir perpétuer ses jours placides. Il paraît n’avoir besoin ni d’argent, ni de notoriété, ni même d’amourette. Son plus grand plaisir est de jouer du tuba dans la fanfare locale.
Rien n’aurait jamais pu faire penser à Deeds de recevoir un si considérable héritage. Si j’écris catastrophe pour ce qui doit sembler à chacun d’entre nous une chance inouïe et merveilleuse, c’est que Deeds, pris en main par un cabinet d’avocats avides qui veulent gérer sa fortune (en se servant évidemment au passage) est contraint de quitter sa thébaïde pour New-York, qui lui paraît être une nouvelle Babylone ; c’est le cabinet Cedar : John, (Douglass Dumbrille), James (Stanley Andrews), Arthur (Pierre Watkin) et Budington (Arthur Hoyt). C’est bien cela : Cedar, Cedar, Cedar & Budington, requins d’affaires. Le quatuor a un homme habile et peu scrupuleux auprès de lui, Corny Cobb (Lionel Stander) qui se révèlera plus tard un franc soutien de Deeds.
La nouvelle fortune du provincial fait les gros titres des journaux et attire toute une cohorte de parasites. Mais qui est cet homme qui est pur, propre, honnête, qui refuse les titres honorifiques et couteux (la présidence de l’Opéra) et souhaite vérifier personnellement toute la comptabilité de ses entreprises ? Mac Wade (George Bancroft) patron d’un grand journal, enrage de ne pouvoir renseigner ses lecteurs friands d’anecdotes : une jeune journaliste, BabeBenett (Jean Arthur) se propose de piéger le millionnaire. Elle se fait passer, un soir de pluie battante pour une pure jeune femme en difficulté…
On devine la suite, n’est-ce pas ? C’est là, ainsi que dit plus haut, la relative faiblesse du film de Capra : la prévisibilité. Cela malgré des traits tout à fait délicieux : Deeds écrit des poèmes naïfs et pleins de charme, il revient d’une bordée tellement ivre que la police le retrouve en caleçon dans la rue… Il est loin d’être un personnage angélique. Malgré cela la jeune journaliste, qu’il rencontre désormais tous les jours sans se douter qu’elle recueille alors de précieuses informations qui se retrouvent le lendemain en première page ; c’est ainsi qu’elle le baptise ironiquement Cendrillon mâle, expression qui fait florès.
Il est évident que l’amour entre les deux jeunes gens monte en flèche. Il est évident aussi qu’un conflit de haute intensité va s’ouvrir entre cet amour et le mauvais jeu hypocrite que Babe a joué…J’arrête de raconter le film qui s’achève, comme il se devait sur le triomphe de Deeds et de l’amour. C’est drôle, charmant, sympathique, assez profond quelquefois, plein de confiance dans le rêve américain, la certitude que les braves gens vont l’emporter sur les marlous.
On le disait, dans ma jeunesse : Les Américains sont de grands enfants. C’est toujours aussi vrai. Des enfants terribles, au demeurant.