L’homme qui en savait trop

l_homme_qui_en_savait_trop_affiche Bien conduit.

Ce qui prouve, s’il en était besoin, que je ne ferai jamais partie de la secte des adorateurs d’Alfred Hitchcock, c’est qu’au contraire de ses thuriféraires, j’ai trouvé L’homme qui en savait trop plutôt enlevé et convaincant. Je ne suis même pas loin de lui donner la première place parmi la douzaine des films du gros homme que j’ai désormais vus (Psychose excepté, qui est très au dessus). Sans doute est-ce plein d’invraisemblances et le scénario n’est-il pas un modèle de rigueur ; mais il fonctionne bien, à l’instar des romans-feuilletons des meilleurs faiseurs du 19ème siècle et on n’a pas envie d’aller trop voir dans les coulisses les gros ressorts de la machinerie.

l_homme_qui_en_savait_trop_photo_1En fait, il s’agit, il me semble et en tout cas pour moi, d’une affaire d’empathie. Ce couple tranquille et lisse du Midwest étasunien qui assiste, effaré, à toute une série d’événements qui ne se passent pas dans sa propre dimension et qui doit courir du Maroc en Angleterre pour essayer de sauver son enfant kidnappé, c’est vous et moi. Sans doute le docteur McKenna (James Stewart) est-il un chirurgien réputé (mais à Indianapolis) et sa femme, Jo (Doris Day) une vedette de music-hall qui vient à peine d’abandonner les sunlights, mais ça ne fait rien, on s’assimile. J’ai d’ailleurs immédiatement songé à l’aventure relatée par Roman Polanski dans Frantic : il n’y a rien de plus excitant que de se demander comment on se comporterait, soi-même, si au détour d’un voyage touristique on était confronté à la même réalité.

C’est sur cette seule orientation que le film m’a plutôt séduit et que je l’ai suivi sans bâiller jusqu’à la fin, me doutant bien de l’évidence du happy end, mais intéressé de la façon dont le spectateur y serait conduit. Passer de l’exotisme de Marrakech (vu, qui plus est, par un Anglo-Saxon en 1956 et son mépris instinctif pour les natives) à l’excentricité guindée (oxymore ?) de Londres, l’originalité de ses taxidermistes, l’austérité de ses temples presbytériens, la distinction circulaire du Royal Albert Hall fonctionne très bien…

homme-qui-en-savait-trop-05-gJe n’ai pas d’opinion bien tranchée sur le jeu distingué, peut-être un peu trop lisse de James Stewart, acteur fétiche d’Alfred Hitchcock ; son rôle de médecin affolé mais courageux l’exigeant, il y est tout à fait excellent. Mais c’est Doris Day qui m’a vraiment enchanté : bien loin des glaçons scandinaves affectionnés par le réalisateur, d’Ingrid Bergman à Tippi Hedren en passant par Kim Novak (je fais une exception pour Grace Kelly, parfois très séduisante), Doris Day est rieuse, drôle, pleine d’abattage mais sait aussi, aux moments voulus, marquer une réelle force dramatique. On ne peut guère que lui reprocher que de chanter une demi-douzaine de couplets de la ritournelle Que sera sera, qui eut un succès fou à l’époque. Mais ce n’est pas vraiment sa faute mais celle du metteur en scène qui dilue à l’excès et fait durer interminablement les scènes finales à l’Ambassade où le film se dénoue.

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