L’hôpital et ses fantômes

La porte est ouverte…

Il y a quelques semaines, à propos de Sailor et Lula, je qualifiais son réalisateur, David Lynch, de sévèrement chtarbé, ce qui m’avait valu quelques demandes d’exégèse. Tout aussi chtarbé, dans le cinéma d’aujourd’hui, est Lars von Trier dont les déclarations quelquefois farfelues ne doivent  faire oublier ni l’extrême originalité, ni le réel talent.

Comment d’ailleurs ne pas songer à Lynch et à Twin peaks en regardant L’hôpital et ses fantômes, qui n’est pas une série à personnages récurrents mais à épisodes indépendants mais un feuilleton, où un récit se déroule, dans un cadre temporel strict et aboutit à une conclusion ? Ce genre de travail exige du souffle, de l’inventivité, le sens du rythme, la capacité à relancer l’attention dans une durée longue. Les quatre DVD de L’hôpital et ses fantômes offrent 9h30 de morbidité et de mauvais goût passionnantes. Et, pour une fois, le récit s’améliore au fur et à mesure qu’il progresse ; il est vrai aussi que, désormais familiers des personnages et de ce qui les anime, nous nous y intéressons davantage.

LVTLa juxtaposition du monde aseptisé et scientiste de la médecine moderne et des croyances, crédulités, fantasmes et fantômes anciens offre un contraste sur lequel Lars von Trier jongle avec élégance. De Twin peaks il a retenu quelques unes des particularités, quelques unes des recettes : le commentaire périodique des deux jeunes trisomiques, employés au lavage de la vaisselle du gigantesque immeuble de l’hôpital, qui fait songer aux interventions sibyllines de la Femme à la bûche (Catherine E. Coulson), la présence maléfique d’une sorte de démon (Bob ici, Aage là) ; et le regard sarcastique du réalisateur, qui met son grain de sel à la fin de chaque épisode.

Et puis le milieu médical, ses jalousies, ses egos démesurés, ses coups tordus, est un terreau fertile pour associer plein d’histoires variées ; L’hôpital et ses fantômes lie précisément des tas d’orientations qui s’entrecroisent, se conjuguent, se lient, divergent. Toutes n’ont pas le même intérêt et certaines sont même un peu agaçantes ou ennuyeuses. Mais deux personnages, l’un positif, l’autre négatif unissent la structure et donnent de la cohérence.

9aa3f12aLe personnage positif, c’est la vieille spirite Sigrid Drusse (Kirsten Rolffes), insupportable, exigeante, castratrice de son benêt de fils Bulder (Jens Okking) mais courageuse, déterminée, subtile. Le personnage négatif – sur qui, à dire vrai dire, repose le feuilleton – c’est l’épouvantable docteur Stig Helmer (Ernst-Hugo Järegård), un des meilleurs personnages odieux que j’aie jamais vus : veule, pleurnichard, lâche, égoïste, méfiant, incompétent, vaniteux… mais aussi doté d’une remarquable capacité à se sortir de toutes les chausse-trapes. On ne se lasse pas d’espérer qu’il va finir par payer toutes ses vilenies, ce qui, dans un récit aussi long, est gage de qualité.

Il y a beaucoup de choses dans L’hôpital et ses fantômes : des fantômes, du sadisme, du mauvais goût, des images gore, du satanisme, de la dérision, plein de défauts et beaucoup de qualité. C’est grotesque, bizarre, cocasse, agaçant, ennuyeux quelquefois, mais toujours intelligent…

Et s’apercevoir que les Suédois détestent les Danois (et réciproquement) est un grand moment d’amusement étonné.

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