Navet cuit à l’eau.
Dans le domaine limité, mais plutôt bon enfant et souvent plaisant de la comédie française des années 80, domaine souvent directement branché sur les facéties de la bande du Splendid, on ne peut pas réussir à tous les coups. Et les recettes qui ont marché ne fonctionnent pas forcément toujours. Prenez Patrice Leconte, un cinéaste qui ne se prend pas vraiment au sérieux et qui, peut-être grâce à ça, arrive à réaliser de temps à autre des films très réussis, très attachants. Ou simplement très drôles, comme l’était Viens chez moi, j’habite chez une copine. Déjà avec Michel Blanc et Anémone. Mais pourquoi ce qui a bien marché ici s’essouffle, là ?
Ce qui frappe dans Ma femme s’appelle reviens, c’est la vacuité. Vacuité d’un scénario qui ahane, de personnages qui s’ennuient autant qu’ils nous ennuient, de scènes qui s’enchaînent avec une pesante répétitivité, de seconds rôles qui surgissent si brièvement qu’on s’interroge sur la pertinence de leur présence : Philippe (Xavier Saint-Macary), le bon copain séduisant de Bernard (Michel Blanc) n’est pas le Daniel (Bernard Giraudeau) de Viens chez moi, ni le François (Gérard Lanvin) de Marche à l’ombre, pour prendre deux films à peu près bâtis sur la même structure et qui font appel à l’archétype dans quoi Michel Blanc aurait pu s’enfoncer : le râleur insupportable et attachant, faible et agressif, agressé par la vie et courant après l’aventure. Phillippe/Saint Macary apparaît à peine, surnage, n’est pas tracé… Et pas davantage Terry (Christophe Malavoy), l’amant déplaisant, exigeant, content de lui de Nadine/Anémone, qui, d’ailleurs, lui pardonne tout.
Ajoutons à cela l’irruption incongrue d’Anne (Pascale Rocard), lycéenne d’Henri IV, qui a 18 ans (elle dit qu’elle est en classe de Philo) et qui, sans qu’on saisisse bien pourquoi a envie d’une liaison avec le docteur Bernard Fizet/Michel Blanc, petit généraliste qui court les rues de Paris pour SOS médecins, sans qu’on comprenne ce qui peut attirer la fraîche jeune fille.
Ce qui est le plus nécessaire, dans les films de ce genre, c’est le rythme et la densité. Et c’est tout à fait ce qui fait défaut dans Ma femme s’appelle Reviens. Par ci par là, quelques formules rigolotes (et faciles) telle celle-là lancée par Michel Blanc à sa femme qui s’envole en avion Si tu pars, je te quitte !, mais la reprise ad libitum des mêmes situations lasse très vite : deux paumés mal dans leur peau qui se trouvent être voisins de palier, essayent de combler l’un avec l’autre une grande solitude, couchottent un peu mais sont bien conscients l’un et l’autre qu’ils ne sont nullement amoureux.
Avec un peu plus de cynisme et de véracité Patrice Leconte aurait pu enfoncer là un gros clou, là où ça fait mal, là où les êtres se mentent si facilement et aboutir à un ratage bien cruel, bien aigre. Il parviendra plus tard à glisser de l’amertume dans sa gentillesse (par exemple dans Le parfum d’Yvonne, La fille sur le pont, L’homme du train, Une promesse). Là, au début de sa carrière cinématographique, il ne peut que faire arriver un happy end bien niais… même si l’on peut penser que les catastrophes sont devant les personnages. Nadine/Anémone va retourner avec son grand mâle Terry/Malavoy, qui la trompera jusqu’à plus soif, d’évidence. Et Bernard/Blanc engagera une histoire sans avenir avec la lycéenne Anne/Rocard, à moins qu’il ne lui plante un enfant non désiré…
D’une façon générale, il faut toujours aller vers le sombre de la vie, qui est le seul réalisme. Mais Ma femme s’appelle reviens, c’est du cinéma. Au mauvais sens du terme.