Macbeth

451L’exercice du Pouvoir

Lorsqu’un des plus grands textes du monde occidental est ainsi filmé, avant même d’être capté par le discours sur le pouvoir et les égarements qu’il entraîne, on est forcément interrogé par le passage de la scène à l’écran et tout ce que le cinéma a pu apporter à la tragédie. Car, c’est entendu, le questionnement inquiet de William Shakespeare sur la tentation de réaliser un destin dans le sang, le massacre et l’horreur figure parmi les bases de notre culture. À un moment donné, le crime ne peut plus reculer sauf à rendre inutiles tous les crimes commis jusqu’alors. Et c’est la même chose pour la torture, qui trouve sa seule justification dans le succès donné par l’aveu. On sait depuis 1606 que la vie est une histoire pleine de bruit et de fureur, racontée par un idiot, et qui ne signifie rien.

macbeth2Mais lorsqu’Orson Welles met au service du texte toute la grammaire stylistique du cinéma, la profondeur de champ, d’emploi plus impressionnant encore que dans Citizen Kane, les plongées et contre-plongées vertigineuses, toute la variété des plans, gros, moyens ou panoramiques, le filmage des décors, tantôt étroits, confinés, charbonneux, anguleux, suintants, tantôt démesurés, secoués par le vent et le grincement des voix des trois sorcières fatidiques, on voit bien ce que le septième art peut apporter d’innovant et de vigoureux. Mettre ainsi en valeur par un soupir, une inflexion du visage, le modelé d’une lèvre, le ternissement d’un regard ce que seuls les spectateurs des deux premiers rangs (et encore ! ceux qui sont placés à l’aplomb de l’acteur !) pourraient vaguement percevoir, c’est tout l’apport décisif du cinéma.

macbeth1Sois sanguinaire, hardi et résolu ! ; Macbeth, interprété par Welles avec puissance, n’a plus un instant de répit après s’être immergé dans la spirale du crime, entraîné, fasciné par l’évidence de la catastrophe que, d’emblée, lui ont annoncée les trois sorcières. Sorcières en fait davantage Parques que Démones, filant un Destin que rien ne peut modifier sans mettre en péril l’ordre du monde. Et, de fait Macbeth est bien davantage le jouet d’une fatalité obscure, dont il est lui-même effrayé, qu’un méchant seigneur défiant Dieu et les hommes. Jouet de la fatalité qui passe par le beau visage torturé et impérieux de Jeanette Nolan qui donne au personnage de Lady Macbeth, complexe, effrayant, saisi par la folie une profondeur singulière.

Le théâtre porté à ce point d’incandescence, est-ce encore du cinéma ? Une question à quoi je ne peux pas vraiment répondre…

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