Mademoiselle s’amuse

Le charme des vieilles troupes.

Les orchestres à sketches, étaient très à la mode, avant la Guerre et parmi eux, en France, aucun, malgré les succès de Fred Adison ou de Jo Bouillon (plus tard ceux de Jacques Hélian ou d’Aimé Barelli), n’avait le même succès que celui de Ray Ventura. Par parenthèse, on peut bien regretter, tant le genre était gai, drôle et chaleureux qu’il ait disparu presque malgré les succès du Grand orchestre du Splendid en France, entre 1977 et 1990 et de Max Raabe und das Palast Orchester en Allemagne aujourd’hui. Mais la présence d’une vingtaine d’interprètes sur la scène rend de nos jours l’exercice économiquement très difficile.

Ray Ventura a, en tout cas, régné le plus durablement sur ce style avec d’autant plus de mérite que ses succès se sont étendus sur deux périodes. L’Avant-guerre avec les grands. triomphes de Tout va très bien, Madame la marquise dès 1936, de Tiens, tiens, tiens ou de Sur deux notes, deux titres repris dans le charmant petit film Tourbillon de Paris d’Henri Diamant-Berger en 1939.

Je déplore de n’avoir pas encore pu voir Feux de joie de Jacques Houssin de 1938 avec l’immortel Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? mais je suis bien content d’avoir découvert Mademoiselle s’amuse de 1947, après la longue parenthèse de la guerre où le Juif Ventura avait fui l’Europe pour porter sa gaieté et son talent en Amérique du Sud.

Et voilà que, de retour au pays, il refonde son orchestre, y agrège de nouveaux talents (Henri Salvador, par exemple), demande à Paul Misraki (musique) et à André Hornez (paroles) de nouvelles chansons et réinvestit les écrans avec le concours du polyvalent Jean Boyer : un réalisateur capable de tout, y compris de quasi chefs-d’œuvre (Prends la route (1936), Circonstances atténuantes (1939) mais aussi de beaucoup moins bien.

Voilà que Mademoiselle s’amuse sans d’atteindre la qualité de ce que Jean Boyer réalisera, avec Ray Ventura en 1950, ce bijou de Nous irons à Paris tient largement le niveau et, dans ses courtes 80 minutes une allure et un rythme délicieux.

Comme toujours dans ces fantaisies musicales, l’anecdote est superficielle, invraisemblable, presque féérique et, dès les premières images, on comprend ce que seront les dernières ; ça n’a absolument aucune importance : ce qui compte, ce sont les séquences chantées et danses, les dialogues en vivacité, les rosseries et les mots d’esprit qui fusent. Et c’est très bien ainsi.

On peut toutefois en dire un mot. Christine Gibson (Gisèle Pascal) est la fille capricieuse, puérile, exigeante et fofolle d’un multimilliardaire (André Randall) qui lui passe toutes ses foucades et ses folies gamines. Chaperonnée par l’austère Mlle Agathe (Jeanne Fusier-Gir) et veillée par son soupirant (provisoirement) éconduit, le docteur Jacques (Bernard Lancret), adulée par sa charmante soubrette Thérèse (Catherine Gay), elle ne vit que de ses fantaisies.

La dernière en date de ses lubies est d’attacher à sa jolie personne grâce aux sous de son Papa toute la troupe de Ray Ventura, dont elle a admiré le talent lors d’une soirée où l’orchestre interprétait le grand succès Maria de Bahia. Les musiciens, au début, prennent très bien la situation, vivant l’existence de luxe, de festins et de palaces de la jeune fille. Mais ses impérieuses exigences finissent par les lasser et ils abandonnent l’espiègle enfant qui, privée de son jouet, va comprendre que la vie n’est pas branchée sur ses seules foucades.

Ça s’arrange, Christine vient à résipiscence et entreprend de convaincre les membres de l’orchestre de reprendre le boulot. Il y a vingt minutes finales où le film patine un peu, afin d’atteindre la durée convenable et où des péripéties un peu niaises sont ajoutées pour faire nombre. Mais tout cela passe bien : il y a de la gaieté, du sourire, de la bonne musique. Que demander de plus ?

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