Futur sans avenir.
Aux temps déjà très anciens où je lisais tous les livres de science-fiction qui paraissaient en France (la chose était difficile, mais possible pour un liseur assidu), lors de ces temps archaïques, je me forçais toujours pour terminer les romans de Philip K. Dick que je trouvais prétentieux et ennuyeux comme la pluie. Autant les romans de Philip José Farmer ou de Robert Silverberg, sensuels et inventifs, pleins d’aventures excitantes, me ravissaient, autant l’immuable sérieux apocalyptique de Dick me semblait assez hors de propos.
Si l’on ôte à Minority report tout son prêchi-prêcha humanistoïde et sa prétention à vouloir alerter le monde sur les dangers, réels ou prétendus, des nouvelles technologies, le film de Steven Spielberg est assez réussi et agréable, quoique trop long. Les décors du futur proche sont extrêmement bien imaginés, les scènes d’action très réussies (et même plutôt bluffantes) et les acteurs très convenables. Ça se gâte dès qu’il s’agit de dénoncer les potentielles manipulations des méchants Pouvoirs publics et de fustiger les risques que nous ferait courir le Progrès.
Tout film à thèse devient vite ridicule lorsqu’il n’est pas animé par un artiste capable de faire oublier par la beauté plastique la stupidité consubstantielle aux idéologies. Admirable Cuirassé Potemkine, admirables Dieux du stade, mais admirables malgré les discours sous-tendus. Mais évidemment Steven Spielberg, excellent montreur d’aventures, n’est pas du niveau cinématographique d’Eisenstein ou de Riefenstahl. Et Minority report tombe assez souvent dans le niais et le niquedouille, lorsqu’il s’égare dans la dénonciation au lieu de se limiter au spectacle.
Dès que, comme dans Indiana Jones, le réalisateur laisse libre cours à son talent, le film est passionnant : la traque d’Anderton (Tom Cruise) par les spyders, ces sortes d’araignées invasives qui détectent, où qu’ils se cachent, les corps chauds est formidable et anxiogène, comme l’a été la substitution des yeux d’Anderton par le médecin marron Solomon (Peter Stormare) et son assistante folle. Mais dès que la vertueuse indignation dickienne contre la précognition l’emporte, le film devient bêta et complaisant.
La fin, la révélation que le méchant est le créateur du système est à la fois incompréhensible et farfelue. Dommage que le film soit si tarabiscoté et que Spielberg ne se soit pas limité à ce qu’il sait faire : l’action.
Cela étant, si on a la chance de s’endormir lors des dialogues philosophiques, Minority report est un film très plaisant.