Je me suis laissé avoir à regarder à nouveau ce film qui se veut trop de divertissement pour être honnête, puisqu’il joue sur des sentiments assez fétides et sur la singularité du monde réel. Un monde où les pauvres gens sont fascinés et adulent des idoles qui, plus que de les mépriser, ne s’aperçoivent pas même de leur existence. (À la réflexion, je me dis qu’il a dû toujours en être ainsi).
Paparazzi est monté sur une idée assez courte mais efficace : la découverte fortuite et d’ailleurs un peu forcée du monde in par un cloporte du monde out et par la lente accession de ce cloporte aux coulisses du fric et de la renommée. J’écris bien aux coulisses parce que, précisément, ce drôle de métier qui consiste à guetter des heures entières des gens connus pour les montrer dans ce qu’ils peuvent avoir de moins intéressant – c’est-à-dire leur vie privée – fait partie de cette frange qui est à proximité du monde privilégié de la beauté, du talent ou de l’argent, sans en être vraiment. Le système, d’ailleurs, tourne souvent sur lui-même, la presse people créant elle-même pour remplir ses pages, des vedettariats aussi vite éteints qu’allumés : il n’est que de voir le succès des magazines qui proposent à la curiosité du chaland les micro-stars de la télé-réalité, prénoms éphémères qui ne survivent qu’une saison.
La première demi-heure du film qui pourrait presque rester documentaire est plutôt réussie. D’une certaine façon elle m’a fait songer à d’autres enseignements vicelards d’un métier atypique : au début de Baisers volés, le jeune Antoine Doinel (Jean-Pierre Léaud) reçoit d’un vieux routier (Harry-Max) quelques conseils élémentaires et primordiaux pour devenir détective privé. De la même façon Michel Verdier (Vincent Lindon) expose à Franck Bordoni (Patrick Timsit) quelques uns des trucs des paparazzis, souvent fondés sur les biftons, le culot et la manipulation.
Mais le film ne tient pas la route parce que le sujet brut est trop mince. Le réalisateur Alain Berberian et sa scénariste Danièle Thompson y ajoutent des bribes de n’importe quoi, en développent de façon un peu poussive quelques aspects et finissent par livrer un produit presque honorable.
Un produit formaté précisément par des gens in pour faire semblant de montrer aux spectateurs – qui sont, pour la plupart du monde du out – combien c’est laid, tout ça et combien il faut s’en indigner : de la même façon que les vedettes du spectacle vivent cela en schizophrénie assumée, vendant facilement leur image, mécontents lorsqu’on ne parle pas assez d’eux, mécontents plus encore lorsqu’on en parle trop ou lorsqu’on la ternit.
Berberian tourne cela en farce, alors que tous les ingrédients auraient pu se trouver réunis pour dresser un portrait bien acide de la dégueulasserie universelle, celle des stars people, tour à tour complices et indignés de leurs chasseurs photographiques, celle des paparazzis, prêts à tout pour tous, celle des patrons de presse qui savent bien que toutes les condamnations pour atteinte à la vie privée passeront sur eux comme l’eau sur les plumes du canard, celle des lecteurs de cette presse-torchon, c’est-à-dire tout le monde, ou presque, des acheteuses frénétiques de Voici et de Gala aux messieurs qui prétendent avoir lu ça par hasard chez le coiffeur ou dans la salle d’attente du dentiste.
Je suis sûr qu’un Italien de la bonne époque aurait pu nous tourner une comédie noire, finalement glaçante, misanthrope et presque gênante.