Ce soir les jupons volent !
Il y a beaucoup de films où le cinéma des États-Unis rend à Paris l’hommage que mérite la plus belle ville du monde, aux temps en tout cas où elle n’était pas abîmée par les fariboles de son Maire actuel (et de son prédécesseur). Il n’y a qu’à citer Moulin Rouge (celui de John Huston, bien. sûr), Gigi de Vincente Minnelli, Midnight in Paris de Woody Allen et une bonne dizaine d’autres. Mais je suppose que dans l’ambiguë relation qui nous lie, la Grande-Bretagne a été plus circonspecte ou moins naïve. Et je ne parle pas de l’éternelle Germanie. Mais je n’avais pas idée que la Sœur latine, la belle Italie, dont la capitale est la seule qui puisse être comparée à la nôtre (avec qui elle est liée par un pacte de jumelage exclusif d’ailleurs) ait, elle aussi, rendu son hommage.
Voilà qui est fait et j’ai découvert un film charmant, réalisé à l’aube des années 50, à l’heure où, avec un peu d’hypocrisie, les Transalpins pouvaient penser que dans la nouvelle Babylone, vouée depuis toujours à la gaudriole et aux petites femmes, ils pourraient se débarrasser un peu de l’emprise de la vertueuse Démocratie chrétienne (et du Parti communiste qui avait sûrement, en matière de mœurs, le même discours coincé). À l’occasion d’un match de football opposant la Squadra azzura et l’équipe de France, débarque à la Gare de Lyon une petite dizaine de supporters présumés dont la plupart n’a que l’idée de découvrir les beautés patrimoniales (voilà la façade par quoi on se justifie), les magasins symbole du chic parisien et (pour les messieurs, ça va de soi) les charmes coquins de la Capitale.
Paris est toujours Paris commence en cartes postales des principaux monuments, découverts au pas de charge dans des autobus qui filent à toute allure pour remplir leurs quotas de monuments entrevus : Opéra, Notre-Dame, Concorde, place Vendôme, Sacré-Cœur, musée du Louvre. Tout cela est assez bien vu ; pour qui connaît les groupes qui envahissent et ravagent les lieux les plus prestigieux, menés à la baguette par des guides qui morigènent, pressent, décomptent à tout bout de champ les malheureux prisonniers volontaires qui ont fait confiance aux slogans des agences (du type L’Europe en cinq jours).
Et bien naturellement se dégagent les personnalités et lignes qui vont faire avancer le caractère choral du film. D’abord la famille De Angelis, composée d’un prospère restaurateur, Andrea (Aldo Fabrizi), de sa plantureuse femme Elvira (Ave Ninchi) et de sa ravissante fille Mimi (Lucia Bose) qui est flanquée de son fiancé Marcello Venturi (Marcello Mastroianni). Puis un jeune homme un peu lunaire, Franco Martini (Franco Interlenghi), deux nigauds, Gianni (Galeazzo Benti) et Nicolo (Paolo Panelli), dont les yeux sont comme des soucoupes à la vue des élégantes parisiennes et quelques autres voyageurs. La famille De Angelis doit être initiée aux lieux par un ami romain qui vit à Paris, Raffaele (Giuseppe Porelli), dit Le Baron qui, en fait, survit en faisant l’homme-bouteille publicitaire, mais qui va promettre, très égrillard à son ami Andréa, de lui faire découvrir les dessous secrets de la Capitale.
C’est là que Paris est toujours Paris prend une dimension ethnographique : la dispersion de tous les Italiens dans la ville donne lieu à des tas de séquences et de saynètes où les destinées s’entrecroisent et qui permettent de visiter des tas de cabarets et d’écouter des tas de chansons. Mention spéciale à un établissement de travestis qui confine à la rue Frochot (où habitait Jean Renoir) à proximité de Pigalle, ce qui, en 1951, était assez hardi et à plusieurs prestations d’Yves Montand. On est tout à fait dans de ce que pouvait représenter Paris dans l’imaginaire collectif : le champagne pétille, les femmes sont belles et aiment être séduites et on y peut prendre des plaisirs sans beaucoup de contraintes.
Le dimanche s’achève et la troupe hétéroclite va repartir pour l’Italie, un peu surprise, un peu grisée de cette escapade. Quatre pas dans les nuages, vraiment…