Pas de printemps pour Marnie

rueducine.com-pas-de-printemps-pour-marnie-1964Boîte à outils de la psychanalyse.

Dans la riche nomenclature des films un peu ridicules d’Alfred Hitchcock, Pas de printemps pour Marnie occupe assurément une place éminente. Et on se demande même comment Sean Connery, tout auréolé du triomphe des deux premiers Bond, Dr. No et Bons baisers de Russie a pu survivre à une telle ânerie, pour laquelle il n’était évidemment pas fait. Il a heureusement rebondi presque immédiatement en tournant Goldfinger qui est sans doute le meilleur de la série…

Dans Marnie, comment croire une seule seconde à un scénario absurde et pataugeant dans des sabots qui paraissent des périssoires ? Comment supporter ce rude clivage d’un film en deux parties abruptes et égales qui paraissent n’avoir aucun rapport l’une avec l’autre, la première (point désagréable) consacrée à la traque de Marnie (Tippi Hedren) voleuse aussi habile que compulsive, la seconde à l’exploration par son mari Mark Rutland (Sean Connery) des tréfonds mentaux de Marnie, à la révélation grand-guignolesque de sa psychose et à sa future rédemption ? Chez un cinéaste de quelque envergure je n’ai jamais vu un truc aussi mal fichu.

marnie horse

J’aime d’habitude assez les personnages anormaux, méchants ou cinglés, qui me paraissent souvent plus intéressants que les autres. Admettons que Marnie qui, traumatisée par un meurtre accidentel très ancien commis par elle sur un des amants de sa mère, ait développé une frigidité radicale. Ou peut-être plutôt une misandrie, un rejet radical du mâle qui peut ne pas exclure d’autres formes de rapports sexuels : après tout quand Marnie dit à sa mère, au tout début Nous n’avons pas besoin des hommes ! et qu’elle crache à son mari Je ne supporte pas d’être touchée… par les hommes, est-ce que ce n’est pas ambigu ?. L’époque et la frustration puritaine d’Hitchcock ne permettaient sans doute pas qu’on pût aller plus loin, mais je n’aurais pas trouvé sans utilité qu’une petite touche homosexuelle sur fond de compétition amoureuse pour Mark fut instillée entre Marnie et sa belle-sœur, Lil (Diane Baker, celle-ci, soit dit en passant dix fois plus sexy que le glaçon Hedren).

maxresdefaultMais, pour une fois, c’est sur le personnage positif qu’il faut qu’on s’arrête : qu’est-ce qui peut bien prendre au sympathique et droit Mark Rutland de tomber amoureux de la trouble et troublante Marnie ? Qu’il la désire et la trouve à son goût, cela se conçoit bien ; mais qu’il décide de l’épouser, sans doute fasciné par la folie de la jeune femme et la succession des vols qu’elle commet, apparaît déjà farfelu. Et plus encore lorsque sa femme lui fait subir une privation sexuelle qu’il vit, finalement, avec beaucoup d’équanimité. Bizarre bonhomme, à qui on ne peut pas croire une seconde.

pas-de-printemps-pour-marnie-2Ah aussi ! Je sais que beaucoup d’amateurs tiennent Hitchcock pour un technicien inventif et habile. Mais que penser alors de ces puérils éblouissements rouges – censés rappeler le meurtre initial – qui surviennent chez Marnie lorsqu’elle est émue et voit écarlate ? Et de ces insupportables transparences qui sont la trame de la chasse à courre où Marnie abat son cheval ? En 1964 on savait déjà parfaitement éviter ces effets de studio, il me semble…

Et un dernier mot : le gros réalisateur nourrissait, paraît-il une passion sensuelle et un désir non dissimulé pour sa vedette blonde ; comme elle refusait ses avances explicites (qui pourrait ne pas la comprendre ?) Hitchcock fit en sorte de saboter sa carrière. Le cinéma n’a rien perdu à l’effacement de Tippi Hedren mais ça montre tout de même un joli coco en action…

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