Pas un n’échappera

Nuremberg anticipé.

En 1943 il ne faisait pas de doutes, au moins aux États-Unis, que ce qui se passait en Europe occupée sous la botte allemande était un tissu de monstruosités et que s’y passaient des abominations qui dépassaient de loin les mœurs habituelles de la guerre. Il était donc primordial de dire haut et fort qu’après la victoire, la camarilla nazie devrait répondre de ses actes devant des tribunaux et montrer clairement à l’opinion internationale que c’était bien le Diable qui avait été vaincu.

D’origine hongroise André de Toth avait été amené par la société de production pour qui il travaillait d’aller filmer en septembre 1939 l’invasion de la Pologne. Gageons qu’il reçut de la brutalité allemande une impression assez forte pour la transposer dans Pas un n’échappera et s’appuyer sur un récit de Lester Cole pour démonter de façon presque clinique la prise de possession graduelle d’un homme amer, Wilhelm Grimm (Alexander Knox) par la pire barbarie. Son procès, tenu à Varsovie, est l’occasion de suivre la montée du nazisme et le cheminement d’un homme. Le premier témoin entendu par le Tribunal est l’excellent, généreux, serein curé de la paroisse, le Père Warecki (Henry Travers).

Grimm, d’origine munichoise, est le modeste instituteur d’une petite ville polonaise ; il revient de la Première guerre avec une jambe en moins dans une Pologne qui vient d’obtenir son indépendance et où paraissent cohabiter harmonieusement Polonais, Allemands et Juifs. Grimm est fiancé avec la jolie Marja (Marsha Hunt) qui est moins choquée par son infirmité que par les propos haineux qu’il tient et son rêve de grande Europe guerrière. Marja marque de la réticence, demande un délai, part un mois à Varsovie. L’instituteur sent autour de lui monter les moqueries de ses élèves et leur xénophobie. Amertume et frustration poussent Grimm à violer une jeune fille, Anna, qui se suicide.Grimm, traqué, demande au prêtre Warecki (Henry Travers) et au rabbin Lévi (Richard Hale), qui sont les meilleurs amis du monde, de l’argent pour fuir la ville, gagner l’Allemagne et prendre un nouveau départ.

Le deuxième témoin appelé est Karl Grimm (Erik Rolf), frère de Wilhelm, qui vivait à Munich en 1923, y était journaliste, époux et père heureux de Willie et d’Elsie. Un soir, Wilhelm, dont plus personne n’avait de nouvelles, vient s’installer à la maison, au grand bonheur de toute la famille. Mais assez rapidement, il choque son frère et sa belle-sœur ; c’est le temps de la déconfiture de la République de Weimar et Wilhelm s’est engagé dans le jeune parti national-socialiste, dans un acte de foi pour le sang et la race. La famille ne prend pas trop cela au sérieux. Mais après le Putsch de la Brasserie du 8 novembre 1923 et l’emprisonnement des putschistes Karl Grimm découvre le pouvoir déjà important du parti nazi.En 1933 Hitler a gagné. Karl veut quitter l’Allemagne et se réfugier avec les siens en Autriche au grand regret de son jeune fils Willi (Richard Crane) fasciné par son oncle Wilhelm… qui fait arrêter et déporter son frère.

Troisième témoin, Marja, l’ancienne fiancée ; elle raconte 1939 ; elle a perdu son mari dans les combats et revient avec sa jeune fille Janina (Dorothy Morris) dans la petite ville, où Wilhelm Grimm et son neveu Willi dirigent l’occupation ; assez vite les hommes sont envoyés en camps de travail, les jeunes femmes au Club des officiers ; Janina dont Willi est tombé amoureux échappe à l’outrage, mais guère pour longtemps puisque le fanatique Wilhelm, voyant son neveu fléchir, l’envoie au bordel. Elle y meurt (suicide ?).

Entretemps, les Juifs sont rassemblés, entassés dans des wagons, prêts à être déportés dans les camps de concentration. Le rabbin se révolte, appelle à la rébellion dans une harangue de haute tenue : Préparons-nous à affronter le moment suprême de notre vie. C’est notre dernière chance. Peu importe qu’elle soit longue ou courte. Pendant des siècles, nous n’avons cherché que la paix Il ne nous reste plus beaucoup de temps. On se souviendra de nous par nos actes. C’est notre dernier choix libre. Notre moment dans l’histoire. Et je vous dis : laissez-nous choisir de nous battre ! Ici ! Maintenant. Les Juifs sont abattus à la mitrailleuse, le rabbin d’un coup de revolver…

Eh bien tout cela est filmé d’une façon très intelligente, dans un scénario à la fois très pédagogique et très haletant ; je ne pensais pas, après cent, cinq cents, mille films sur la guerre voir si intelligent et si émouvant.

 

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