Un homme seul est en mauvaise compagnie.
En fait, il y a deux films dans Photo obsession et le deuxième est complètement bâclé et inintéressant ; croit-on une seule minute à la renversante transformation du doux Sy Parish (Robin Williams, vraiment excellent) en salopard déchaîné destructeur de ménages et tueur potentiel ? Son virage paranoïaque manque de profondeur et n’entraîne pas le spectateur.
Ce qui ne signifie pas, à mes yeux, qu’il est invraisemblable. En voyant le film et la vie terne de Sy, employé consciencieux, méticuleux même du stand de photographie d’un grand magasin étasunien, j’ai évidemment songé aux personnages de
Michel Houellebecq, à la solitude insupportable, à la fatigue de vivre, au désastre affectif et social. Et dans
Extension du domaine de la lutte, adapté de manière satisfaisante par
Philippe Harel, il y a bien une dérive criminelle non aboutie mais elle a nettement plus d’épaisseur et de pénétration psychologique. Sy a beau, dans la première partie du film, dévoiler sa violence potentielle, il serait bien plus intéressant de, précisément, l’enfermer dans la virtualité.
Car l’idée de représenter un petit employé rabougri qui vit des existences imaginaires, quelquefois oniriques, grâce aux photos qu’il passe sa journée à développer et à découvrir est, elle, excellente. Évidemment, à l’heure du numérique, on ne se rend aujourd’hui plus bien compte, mais qui de nous, en déposant sa pellicule, ne s’est pas une fois ou l’autre demandé ce qu’il allait advenir de ses photos de vacances, de fêtes ou de famille, sous quel œil allaient tomber la bouille hurlante du nouveau-né, les pleurnicheries de la rentrée des classes, les tenues endimanchées du mariage de la cousine Adèle et Tonton Marcel tout fier devant des Pyramides qui le contemplent depuis quarante (deux) siècles.
Mais, comme le dit Sy à la ravissante Nina Yorkin (Connie Nielsen), la maman du petit Jake (Dylan Smith), maman qui est, soit dit en passant, bien plus séduisante que sa rivale Maya Burson (Erin Daniels), ce que l’on sauve d’abord dans la maison, en cas d’incendie, ce sont les photos, qui sont des captations fascinantes de la vie. La vie que Sy voudrait vivre et qu’il regarde, impuissant, se dérouler avec ses joies et ses rires, mais aussi ses mesquineries et ses impostures. Le côté romanesque du film veut que Sy intervienne maléfiquement dans la vie de la famille Yorkin ; la nature des choses et leur véracité demanderait plutôt qu’il la subisse, mélancolique laissé pour compte.Bon. Ce serait sans doute beaucoup exiger d’un film hollywoodien qui a besoin de faire des sous. N’empêche que, comme écrivait Chesterton, Un homme seul est en mauvaise compagnie. Ce n’est pas de la blague.
This entry was posted on vendredi, septembre 30th, 2016 at 17:04 and is filed under Chroniques de films. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed.
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