L’autre soir, diffusion sur Arte d’un portrait d’Alain Delon ; portrait seulement passable, au demeurant, présentant davantage l’homme que l’acteur et insistant avec une complaisance navrée sur ses mésaventures sentimentales. Mais au cours de l’émission, une intervention de Delon très pertinente disant, en substance Je ne suis qu’un acteur et un acteur, ce n’est rien, en tout cas ce n’est pas un créateur ; le réalisateur et même le dialoguiste, ce sont des créateurs ; l’acteur, non !.
Hélas pourquoi ne s’est-il pas tenu à ces sages préceptes ? Pourquoi a-t-il cru devoir aller au delà de la main, au delà de son immense et inné talent d’interprète pour livrer cet invraisemblable salmigondis Pour la peau d’un flic que, bonne fille ironique et méprisante, la même chaîne a passé le lendemain, comme si elle avait voulu, à l’intention de ses spectateurs d’élite, montrer qu’elle n’était pas dupe dans la célébration d’une des vedettes françaises les plus populaires au monde ? Une star dont, habituellement, on se moque avec hauteur, d’autant plus que ses opinions de Droite affirmée agacent les narines sensibles de la médiature.
Toujours est-il que Pour la peau d’un flic est d’une grande médiocrité, plombé par un scénario à la fois tordu et très ennuyeux, répétitif et complaisant. Le film est à la gloire unique et exclusive de Delon, qui figure dans la quasi totalité des séquences et qui se la joue grave en détective privé pourchassé et incorruptible. On sent les influences : le Sam Spade du Faucon maltais de John Huston (1941) ou le Philip Marlowe du Grand sommeil d’Howard Hawks (1946), l’un et l’autre interprétés par Humphrey Bogart. Ce n’est pas que le scénario de ces deux films éminemment mythiques soit bien meilleur, emberlificoté et guère excitant, mais ça passe tout de même autrement mieux.
On subit en bâillant les péripéties convenues du film, éveillé de temps en temps par une bonne séquence, par exemple la course à contre-sens sur le boulevard périphérique de Delon poursuivi par des malfaisants. Et on ouvre aussi un œil quand Anne Parillaud montre sa jolie poitrine et son charmant popotin. Mais ce n’est tout de même pas suffisant pour donner à Alain Delon ses galons de réalisateur. Pour lui, à de très rares exceptions près, le compteur s’est arrêté à Monsieur Klein, cinq ans auparavant. Mais ça date déjà de quarante ans.Incroyable, non ?