J’avais revu le film il y a une dizaine d’années et il m’avait paru de bien meilleur niveau qu’il n’est réellement. Mais cette après-midi, et malgré l’excellence de l’édition Canal+ classique, j’ai été assez dépité.
L’histoire, mélodramatique et ennuyeuse, est une vraie catastrophe ; qu’elle ait été citée pour recevoir l’Oscar du meilleur scénario en 1951 me laisse pantois ; enfantine, puérile, pleine de fausses audaces, d’outrances sans profondeur, sans surprise aucune, tissée de personnages parfaitement prévisibles dont la route est toute tracée, et qui n’en dévieront évidemment pas, elle se subit, languissante et ennuyeuse jusqu’à son évident aboutissement.
En tout cas, elle parvient à enquiquiner violemment et visiblement Vittorio Gassman, que je n’ai que rarement vu aussi mauvais (à sa décharge, il faut bien dire que Riz amer est un des premiers films de celui qui, jusqu’alors, était un théâtreux).
Et pourtant n’exagérons pas : il y a des aspects intéressants, excellents, même qui expliquent que le film dispose d’une aura, d’une notoriété sans rapport direct avec sa qualité : la brièveté sèche de son titre, la beauté plastique de dizaines de séquences, magnifiquement composées, de cadrages audacieux, originaux, intelligents, le quasi-reportage ethnographique sur la culture du riz dans la plaine du Pô (ah, ces improvisations chantées alternées lancées en défis batailleurs par les deux groupes antagonistes dans la rizière !).
Il y a surtout, et c’est sans doute pour cela que Riz amer peut rester dans les mémoires, une ébouriffante, omniprésente et totale sensualité, qui court tout au long du film et dont Silvana Mangano est le signal le plus éclatant ; d’emblée, la caméra de De Santis se braque sur elle, sur son déhanchement, à la gare, lors du départ des mondines, puis mâchonnant son chewing-gum devant sa rivale, Francesca (Doris Dowling), enfilant ses bas avant de partir au travail, dansant provocatrice dans la clairière dans un soir lourd de chaleur…
Mais il n’y a pas qu’elle… Il y a l’atmosphère tiède, moite, du dortoir des ouvrières rompues par la journée de fatigue et s’alanguissant en combinaisons légères dans les confidences chuchotées, il y a ces scènes où elles triment, eau à mi-cuisses, il y a cette ambiance électrique de femmes seules exposées à la convoitise des hommes du village (la scène où les mâles viennent crier le nom de leur bonne amie de l’année précédente… pour la reprendre ou pour en changer)…
Tout cela, en 1949, bouleversait les sens et les nerfs des paisibles spectateurs ; la poitrine arrogante, les cuisses nues, la démarche animale de Silvana Mangano a beaucoup fait pour le succès du film et a laissé une trace assez sulfureuse pour que Riz amer ait, le premier, bénéficié, en 1961, lors d’un passage à la télévision, de l’onction du carré blanc – qui signalait aux parents circonspects le risque maléfique pour les chastes yeux des bambins -.