Il n’est pas mal du tout, ce film qui va chercher un peu partout ses références dans la vogue sataniste surgie au cinéma après le succès de Rosemary’s baby en 1967. Sans doute, d’ailleurs est-ce du film de Roman Polanski que Mephisto Waltz (titre à tous égards préférable au titre français, Satan mon amour) est le plus proche : la prise de possession d’un individu un peu étriqué, mais à l’ambition vorace et au caractère ductile par une secte adoratrice du Prince des Ténèbres. Les deux films fonctionnent sur les mêmes ressorts jusqu’à montrer de la même manière la surprise puis l’inquiétude de l’épouse peu à peu supplantée puis délaissée.
Mephisto Waltz a moins de finesse que Rosemary’s baby mais présente le complot sataniste avec l’ambiguïté indispensable à ce genre d’histoires : on se demande si l’héroïne malheureuse et jolie entraînée sur les chemins de l’improbable est victime d’une illusion paranoïaque, d’une manigance de son mari, séduit par la ravissante Roxane, d’un déséquilibre psychologique, de l’action d’un groupe de pervers sexuels justifiant ses débauches par un assujettissement volontaire au Malin, ou bien, tout brutalement, par l’intervention directe de l’Ange noir dans son existence.
Et il est sans doute bien dommage que le film ne s’interrompe pas précisément à l’instant précis où Paula/Bisset, qui vient d’invoquer Satan pour tenter de reconquérir son mari voit doucement s’entrouvrir la porte de la chambre où elle se tient dans un grincement et sur le mystère que nous ne saurions voir. Les dix minutes qui suivent et achèvent le film sont alors trop explicites et sommaires, donc superflues.
Ce qui n’est pas mal, donc, c’est aussi les clins d’œil lancés aux spectateurs en référence à plusieurs films, en une sorte de grammaire commune aux récits de possession ; cela se sent dès le générique où brasille une lourde bougie maléfique sur les notes torturées du Dies irae (comme dans l’ouverture de Shining). Architectures sévères, demeures amples et inquiétantes comme dans La maison du Diable, présence de dogues allemands féroces, cerbères des secrets sataniques comme dans La malédiction, angoisse dans un hôpital où les médecins ne comprennent rien à la maladie mortelle qui frappe la petite Abby (Pamelyn Ferdin), la fille des Clarkson, comme dans L’exorciste, pentacle infernal tracé au sol comme dans Les vierges de Satan, atmosphères quelquefois lugubres comme dans Rendez-vous avec la peur et jusqu’à l’attention portée aux doigts de Miles comme dans Les mains d’Orlac. (On peut même ajouter que le don de sang fait à Duncan Ely/Jürgens ne peut qu’évoquer les mythes vampiriques).
J’ai été ravi de retrouver Curd Jürgens et Jacqueline Bisset est d’une beauté magnifique ; et j’ai découvert avec Barbara Parkins une interprète remarquable ; il est vrai que son rôle paisible, monstrueux, séducteur et glaçant est le plus intéressant de Mephisto Waltz, vraiment bon film pour qui apprécie les errements des hommes devant le sourire du Mal.