C’est bien, c’est drôle, ça n’est jamais ennuyeux, et ma toute petite découverte du travail des frères Coen ne s’interrompra pas là, mais j’ai tout de même trouvé The Big Lebowski à une longueur derrière Fargo, et même un soupçon derrière Barton Fink ; mais je parierais volontiers que c’est une note d’immédiate humeur, si je puis dire, qu’une re-vision améliorerait ; d’ailleurs, en regardant les suppléments et en revoyant certaines scènes, je me disais que c’était drôlement bien fait et que ça gagnerait à être revu.
Sans doute en partie parce que, comme dans beaucoup de ces histoires policières – ou, plutôt, à prétexte policier et à ambiance ad hoc – mon attention trop cartésienne est trop captée par l’anecdote, et la résolution de l’énigme, et que ce n’est évidemment pas là que se placent les meilleures trouvailles ; l’exemple du Grand sommeil, pertinemment cité, est là pour rappeler, pourtant que l’intérêt peut être bien ailleurs que dans la rationalité d’une enquête policière et que, finalement, comme disent les Coen, ça n’empêche pas les gens d’apprécier le film.
Chez Joël et Ethan Coen, il me semble qu’on ne dérape qu’après que les personnages ont posé leur structure, même si elle est profondément marginale ; on se laisse sans malice prendre au jeu de ces hommes sans femmes alors que tout devrait nous indiquer d’emblée que c’est un ramassis de fous furieux au premier rang de qui Walter Sobchak (John Goodman) le Polonais maniaque du règlement devenu juif par amour malheureux et plus encore Jesus Quintana (John Turturro), le Latino pédéraste qu’on devine d’une vicieuse cruauté brillent par leur cinglerie. Mais le petit sourire orgasmique des joueurs qui réussissent un strike, nous le connaissons, si nous avons déjà franchi la porte d’un bowling…
Et enfin, très vite, dès après que nous sommes métaphoriquement embarqués dans le manège de plus en plus déjanté, qui tourne de plus en plus vite, de délicieuses excentricités ; moins Bunny Lebowski (Tara Reid), bimbo classique aux ongles laqués de vert, que Maude Lebowski (Julianne Moore), plasticienne, performeuse, féministe, gardienne avisée de ses dollars ; moins Brandt (Philip Seymour Hoffman), factotum essoufflé du Lebowski paralytique (David Huddleston), que le trio apeuré et minable des Nihilistes…«
Voilà qu’en les évoquant en quelques lignes, je retrouve l’épaisseur des personnages ! C’est sans doute bien la preuve que le cinéma des deux frères s’imprime en profondeur dans une région de notre mémoire qui n’a pas tant que ça l’habitude d’être aussi bien irriguée au cinéma…