Du sang sous la pluie.
J’avais déjà remarqué, en commentant The Host, un des très rares films coréens que j’aie vus, que Séoul était une ville hideuse et que le Pays du matin calme était également celui du jour pluvieux. The Chaser me permet de confirmer cette vision anti touristique au possible et de recommander à ceux qui auraient l’idée saugrenue d’aller traîner leurs guêtres dans ces extrémités perdues du monde de troquer cet élément vestimentaire contre une solide paire de bottes en caoutchouc.
Ce venin lancé, j’en viens au film dont je me suis régalé, parce qu’il est admirablement tourné, d’une structure suffisamment complexe pour qu’on ne se lasse pas de sa peu soutenable violence et que sa photographie correspond à ravir à son sujet : glauque, jaunâtre, grumeleuse, poisseuse, tout ce qu’on veut dans le blême et le désespérant.
Je ne me moque pas, ou à peine. D’abord l’excellente idée de choisir pour héros un flic douteux devenu proxénète, mais proxénète plutôt à la petite semaine, qui n’a sans doute pas de mal à joindre les deux bouts (il roule en Jaguar), mais doit tout de même faire attention à l’équilibre financier de sa petite entreprise. On s’aperçoit d’ailleurs – c’est un excellent moment du film – que l’activité de galanterie consiste en une comptabilité assidue et stricte, comme celle d’un banal entrepreneur de chez nous soumis aux rigueurs de la conjoncture. Ensuite, autre très bonne orientation, bien qu’elle complique passablement l’intrigue et en ralentisse un peu le rythme, l’entrecroisement de l’enquête menée par le proxo, Joong-ho (Kim Yun-seok) dont des filles disparaissent et par la police, qui est à la recherche d’un serial killer.
Au premier quart du film, tout a été posé : on sait qui est le tueur, Young-min (Ha Jung-woo) on a vu comment il procédait, Joong-ho l’a identifié et même capturé. On quitte l’atmosphère terrifiante de type Saw, la crasse et le néon de la chambre des tortures, pour un thriller construit sur les poursuites, les méprises, la dénonciation des compromissions policières, les erreurs et faiblesses de la traque. Bien que ce soit un peu équilibriste, ça tient rudement bien la route. Il paraît que le film est inspiré de faits réels ; c’est bien possible, tant la réalité dépasse souvent la fiction.
Vient se greffer, en parenthèse, la relation affective qui va se nouer entre Joong-ho et la petite fille de sa dernière gagneuse disparue, Mi-jin (Seo Yeong-hie), gamine qui doit avoir quatre ou cinq ans, qu’il a trouvée, terrorisée, dans l’appartement maternel et qu’il ne peut évidemment pas se résoudre à abandonner. Voilà qui rappelle un peu Léon, sans doute le meilleur film de Luc Besson : un visage d’ange dans un enfer de saloperies.
Adroites péripéties, violences variées, poursuites haletantes, retournements de situations à crier et quelques scènes à ne pas recommander aux âmes sensibles (ah, ce marteau dégoulinant de sang où se sont collées des touffes de cheveux !). Il n’en faut pas plus (mais c’est déjà beaucoup) pour apprécier la belle ouvrage…
Une question me taraude, toutefois : si les périphéries de Séoul en Corée du Sud prospère sont aussi crapoteuses, qu’est-ce que ça doit être à Pyongyang, au Nord ? !!!