Joyeusement immoral !
Après avoir regardé ce film gentillet, je balance un peu entre deux opinions que l’on peut exprimer ; il est vrai que c’est assez insignifiant, et davantage du fait de la molle réalisation de Marc Allégret que de l’intrigue, qui aurait pu et aurait gagné à être développée de façon plus incisive et du jeu des acteurs.
L’idée de départ n’est pas mauvaise, assez rare dans le paysage cinématographique des années Cinquante finissantes ; pour une bluette de série, elle est joyeusement immorale : Catherine (Danielle Darrieux), séduite à la Libération par la gentillesse et l’admiration que lui a vouée Jean (Bourvil
) ne peut supporter la vie médiocre qu’il lui fait vivre et, au bout de cinq ans, le quitte pour un des anciens soldats de son mari, Sartori (Roger Hanin
) ; Jean est inconsolable ; à la faveur d’un hasard, il revoit Catherine, croit s’apercevoir qu’elle l’aime toujours, et décide de la reconquérir, ce à quoi il parvient.
On voit qu’il y a là de l’originalité dans le portrait d’une femme qui demeure amoureuse, mais qui préfère une existence aisée à la médiocrité du quotidien ; ceci est le meilleur du film, et il y a une ou deux scènes bien venues, notamment dans l’aveuglement pitoyable de Jean. Mais cela se gâte assez vite, parce que la reconquête de Catherine se fait à coup d’artifices de vaudeville et que la bienséance et le happy end finissent par triompher.
Mais tout de même, se dit-on, quelle belle salope que cette jolie femme qui vogue au gré de ses envies !
Comme la belle garce c’est la délicieuse Danielle Darrieux
, dont le jeu toujours en finesse est capable de rouler tous les hommes dans la farine, comme le douloureux Jean, c’est Bourvil
qui a souvent su démontrer qu’il avait de la profondeur et pouvait ne pas se confiner dans des rôles de gugusse ridicules autant que rigolards, la distribution fonctionne assez bien ; il est vrai qu’elle repose sur ces seuls deux acteurs, la présence d’Arletty
étant minime et peu justifiée par l’intrigue (je suppose qu’Allégret
lui a taillé un rôle sur mesure et pas trop compliqué pour pouvoir assurer la matérielle de la star déchue), celle d’Hanin
habituellement haninesque, celles de Belmondo
, Lefebvre
ou Carmet
anecdotiques et effacées.
Finalement, c’est exactement le genre de sujets qui pourrait être traité – avec gravité et lourdeur – par n’importe quel téléfilm sociétal d’aujourd’hui…