Cinis, pulvis et nihil…
La seule question que l’on puisse se poser devant ce monument d’inanité cinématographique (formaté rigoureusement comme un téléfilm, au demeurant) est s’il en restera quoi que ce soit dans quarante ou cinquante ans.
Qu’on me comprenne bien : il est évidemment hors de question qu’on puisse classer Un village presque parfait au rang des films qui, quels qu’en soient le thème, l’orientation, les innovations, les dialogues, les acteurs, demeureront dans les anthologies des spécialistes et, surtout, les mémoires vives des spectateurs. Mais il arrive qu’un petit film insignifiant, sans prétention ni ambition puisse, quelques décennies après sa sortie, donner du plaisir : c’est le sort de certains charmants nanards à quoi on s’attache parce qu’ils peuvent offrir quelques images, quelques parfums d’un temps qui fut et qu’on retrouve dans les expressions parlées des protagonistes, les arrière-plans ethnologiques, les préoccupations ou plaisirs évoqués, dont on se moque ou dont on sourit avec un peu de nostalgie.
C’est en tout cas ce qu’il m’arrive souvent, en retrouvant des publicités disparues, des atmosphères antédiluviennes, des physionomies désuètes et un tas de choses comme ça. Et je suis bien conscient que, hors rare exception, tout ce fourbi n’a de sens que parce qu’il parle à ma mémoire ou aux récits qu’on m’a faits d’une époque qui n’est plus. Mais de quoi pourrait bien parler Un village presque parfait dans un demi-siècle à ceux qui ont 20 ans aujourd’hui, s’il leur vient l’idée farfelue de le regarder ?
De bien peu de choses, finalement. Parce que tout ce genre de films qui n’ont pas vocation de demeurer plus de huit jours sur les écrans et qui n’existent que grâce à la manne du système de financement français n’est fait que de sujets de société, c’est-à-dire de sujets à la mode destinés à passer à la télévision. Alors là, on mixe désindustrialisation du territoire et désertification médicale, deux thèmes évoqués jusqu’à plus soif, cinq fois par semaine dans le journal de 13 h. présenté par Jean-Pierre Pernaut. On épice – bien modestement – avec la fameuse convivialité villageoise, à base de chasse, de pêche, de rugby (on est dans les Hautes-Pyrénées) et de longues stations au bistrot du coin.
Dire combien le récit sonne faux est presque au dessus de mes forces : Maxime (Lorant Deutsch) jeune médecin de Paris, est obligé pour d’absurdes raisons de venir exercer un temps dans un petit trou montagnard. Initialement rebuté, il finira par trouver là sa vraie vocation et un bonheur paisible. Le petit trou s’appelle Saint-Loin-la-Mauderne et, afin de recevoir une subvention européenne qui lui permettrait de rouvrir une usine où travaillaient les habitants, est obligé d’avoir un médecin à demeure. D’où les contorsions mises en œuvre par le Maire, Germain (Didier Bourdon) pour faire venir et surtout faire rester l’homme de l’Art.
Scénario ridicule, émaillé d’invraisemblances mais qui n’est pas plus absurde que celui de Mon frangin du Sénégal ou des Corsaires du Bois de Boulogne. Seulement, pour les raisons énoncées ci avant, ça n’a ni charme, ni drôlerie. Et d’ailleurs, quand ça se veut drôle, ça devient vite moche.
Quelques acteurs de second rang, (Denis Podalydes, Carmen Maura, Élie Semoun, Armelle), la grasse vulgarité de Pierre Ménès en guest-star inutile et la tristesse de constater que Didier Bourdon qui fut l’étincelant chef de file des merveilleux Inconnus s’enfonce de plus en plus dans la déchéance…
Et à regarder la fiche du film sur Wikipédia, je m’aperçois que Un village presque parfait est le remake du film québécois La Grande Séduction. Chers amis de la Belle province, il n’y a donc pas que des Denys Arcand chez vous ?