Peut-être une toute petite déception lorsque le film s’achève, vite effacée parce que quelques heures et quelques jours plus tard, la magie des images revient et le talent exceptionnel des interprètes principaux comme la capacité d’Henri Colpi de capter l’atmosphère de ce début du mois d’août à Puteaux où, juste en face, sur le fleuve, les usines Renault de l’Île Seguin se sont vidées…
Immense succès de Trois petites notes de musique, la chanson écrite par Georges Delerue sur des paroles de Colpi lui-même et interprétée par la grande Cora Vaucaire, la voix de La complainte de la butte dans le French cancan de Jean Renoir, Trois petites notes de musique sur quoi dansent Thérèse Langlois (Alida Valli) et celui qui fut peut-être – sans doute ? – son mari (Georges Wilson). La mélodie, les paroles sont profondément à l’image du film : mesurées, tristes, nostalgiques, sans attente, mais sans désespoir.
Il ne se passe rien, dans le café de Thérèse, d’abord parce qu’il ne s’y passe jamais rien, puis parce que c’est l’été qui pèse. Il y a quinze ans que le mari de Thérèse a disparu dans les horreurs de la fin de la guerre ; elle s’y est presque habituée, a, de ci, de là, des amants de passage ; en ce moment, c’est Pierre (
Jacques Harden), un camionneur qui voudrait bien que leur aventure aille plus loin et s’installe dans la durée. Mais un clochard aux yeux tristes passe désormais devant le bistrot et Thérèse imagine que c’est son mari disparu, ou le reconnaît, ou on ne sait quoi.
Intrigue minimale. Que veut Thérèse, en fait ? Elle a sans doute envie de s’évader de sa vie calme, tranquille, chaque matin répétée : vivre une histoire, revenir dans le passé, faire en sorte que sa paisible existence d’aujourd’hui se donne l’apparence de que qu’elle aurait pu être si… Si Albert Langlois, son mari disparu revenait ; si c’était lui, vraiment, le clochard, que ne reconnaissent pourtant pas les gens de la famille appelés en secours ; et surtout si quinze ans n’avaient pas passé, irrémédiables et définitifs. Ce clochard aux yeux doux mais qui est si loin du monde et qui ne veut surtout pas y revenir va-t-il ouvrir la porte de ses secrets lorsque Thérèse lui donne ce fromage rare qu’il aimait, fait jouer les airs d’opéra qu’il chantait ? Rien du tout : il est parti, il n’est déjà plus là, il est sur l’autre rive.
C’est Marguerite Duras qui a écrit et dialogué le film, qui est ensuite allée chercher Colpi pour le réaliser : on y trouvera ses tics, ses pontifiances de langage, son goût pour la lenteur et l’ennui. C’est sûrement trop écrit, de façon moins insupportable que dans Moderato cantabile ou dans L’année dernière à Marienbad et quelquefois trop désarticulée, mais il y a des ambiances qui marquent et qui, quelquefois donnent juste ce qu’il faut de tristesse irréparable.