Une histoire d’amour

Histoire fragile.

J’ai suffisamment d’intérêt pour le passé et l’histoire du cinéma pour ne pas regretter d’avoir vu Une histoire d’amour, mais, bien franchement, c’est assez moyen et banal, à mes yeux. Si ce n’était, donc, le dernier film tourné par l’éblouissant Louis Jouvet, l’antépénultième de la crapule élégante Marcel Herrand et, à rebours la seulement troisième collaboration de Michel Audiard au 7ème Art (il faut qu’il se fasse encore un peu la main), franchement, qu’est-ce qu’on retiendrait de ça ? Vraiment pas grand chose, même si l’archéologue peut tirer ici et là de l’intérêt à quelques situations et quelques profils.

37605_6Herrand et Jouvet mis à part, sûrement un peu le charmant minois de Dany Robin, qui, quelques années auparavant, avait été déjà la partenaire de Jouvet dans l’excellent Les amoureux sont seuls au monde, la première apparition à l’écran en deux secondes et demi de Daniel Ceccaldi, celle (plus longue) de l’extravagante Renée Passeur (Léa, la compagne d’Auguste/Chamarat, celui-ci assez décevant, au demeurant). Et c’est à peu près tout.

37605_4À mes yeux, le principal défaut du film, outre la construction en flashbacks un peu trop complexe pour la modestie des moyens du réalisateur Guy Lefranc, est l’absence totale d’épaisseur des personnages qui rend l’histoire absolument invraisemblable ou, plus exactement, extérieure à toute empathie. La seule scène qui me paraît vraiment réussie (mais elle l’est très bien, je trouve), c’est celle du coup de foudre entre les deux jeunes gens, lors de la soirée donnée par les grands bourgeois Mareuil (Marcel Herrand et Yolande Laffon) ; soirée grand-bourgeoise qui m’a fait songer à celles de L’étrange Madame X ou de Édouard et Caroline : derniers feux d’un monde qui n’est plus.

37605_14Mais, par exemple, en tout début du film, une fois le suicide de Jean et Catherine découvert, voyez l’attitude des parents qui, si péteux et égoïstes qu’ils sont, devraient tout de même montrer un minimum d’affliction et se comportent seulement comme si on venait de retrouver leurs enfants en pleine fornication, ce qui est gênant, mais nullement irrémédiable. Et puis on ne voit pas du tout venir la tragédie, la désespérance : les amoureux semblent enquiquinés par leurs familles mais en aucun cas persécutés au point d’avaler du cyanure ; et comme on sait dès les premières images que ça se terminera par la mort des tourtereaux, on ne cesse de guetter un point de rupture qui n’arrive jamais : on ne peut pas, pendant tout un film, adopter le ton (d’ailleurs peu acide) de la satire et, en un clin d’œil, passer au drame… On sait bien que Louis Jouvet tournait des films dont il n’était pas très satisfait pour faire vivre son théâtre de l’Athénée ; on le comprend et on l’aime. Mais on regrette que Une histoire d’amour soit sa dernière trace, comme on regrette que la dernière de Jean Gabin soit L’année sainte.

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