La compagnie des lapins bleus.
En 1964, Brigitte Bardot était au sommet d’une gloire planétaire et avait même presque prouvé qu’elle pouvait presque avoir du talent, avec La vérité ou Vie privée. Anthony Perkins connaissait lui aussi un immense succès, après Psychose, Aimez-vous Brahms, Le procès. Et le réalisateur Édouard Molinaro commençait doucement à se faire un nom. Il y avait aussi, disponibles sur le marché, de grands talents de second rang, André Luguet, Grégoire Aslan, Jacques Monod, Hans Verner ; et, charmantes chacune dans leur genre, Hélène Dieudonné du côté vieille dame, Denise Provence, du côté quadragénaire sexy.
Ajoutons que Charles Exbrayat, l’auteur du roman dont est tiré Une ravissante idiote n’était pas manchot et savait trousser une intrigue enlevée. Mais remarquons que la bonne centaine de romans de police ou d’espionnage qu’il a écrits n’ont donné lieu qu’à une dizaine d’adaptations cinématographiques et que la plupart ont été réalisées par des tâcherons du deuxième ou troisième rayon, aucune n’ayant connu un succès éclatant, même du public bon enfant du samedi soir. Et enfin, réjouissons nous d’un titre qu’il ne serait plus possible d’arborer aujourd’hui, les harpies féministes se chargeant de hurler à la mort et au viol sexiste.
Ces réserves étant faites et en revenant au début de mon propos, je m’étonne, toutes choses égales par ailleurs, que ce film soit si mauvais, si tarabiscoté, si paresseux et finalement si ennuyeux ; en étant plutôt indulgent pour les films de cette époque, qui est celle de mon adolescence, j’ai eu beaucoup de mal à en suivre jusqu’au bout les péripéties et à ne pas m’endormir.
Il y avait pourtant quelque chose d’assez amusant et de très original pour l’époque : présenter les espions soviétiques infiltrés en Angleterre de façon point antipathique, sans pour autant tomber dans la parodie délirante des délicieuses Barbouzes de Georges Lautner.
Le charmant Harry Compton (Anthony Perkins) pétille d’amour pour la ravissante et niaise Pénélope Lightfeather (Brigitte Bardot), mannequin dans une maison de couture dirigée par Lady Barbara (Denise Provence), oiselle un peu mûre, délicieusement évaporée et femme de Sir Reginald Dumfrey (André Luguet), haut fonctionnaire de l’Amirauté. Licencié de son emploi pour des broutilles, Compton, qui est d’origine russe se fait recruter par son ami restaurateur Bagda (Grégoire Aslan), redoutable agent secret soviétique qui le charge de dérober un document ultra secret détenu par Sir Dumfrey.
Ce schéma n’est pas plus sot qu’un autre et recèle d’ailleurs les possibilités de quelques pistes amusantes et inattendues. Je ne dis pas qu’elles ne figurent pas dans le film ; mais celui-ci est si mal composé, si emberlificoté, si plein de fouillis qu’on finit par ne plus suivre le fil et par regarder en bâillant des séquences qui se veulent guillerettes mais qui, à de rares exceptions près, sont pesantes et ternes. Les acteurs semblent traîner leur ennui et de si habituels merveilleux seconds rôles comme Jacques Monod font un peu pitié.
Ça dure tout de même presque deux heures ; ça ne les vaut pas.