Whisky à gogo

Célébration de l’eau-de-feu.

Avant que la Grande-Bretagne ne devienne le 51ème État d’Amérique, elle a connu, nourrie d’excentricité et de nonsensique, une période délicieuse largement portée par le talent de Sir Alec Guinness. Est-ce parce que cet immense acteur ne fait pas partie de la distribution de Whisky à gogo que j’ai trouvé bien faible ce film de 1949 d’Alexander Mackendrick dont j’ai pourtant bien apprécié L’homme au complet blanc(1951) ou Tueurs de dames (1955) ?

Guinness rayonne dans Noblesse oblige de Robert Hamer (1949), et on m’a dit grand bien de son interprétation dans De l’or en barres (1951) de Charles Crichton qui, presque cinquante ans plus tard (1998) réalisa ce petit chef-d’œuvre d’esprit et de sarcasme nommé Un poisson nommé Wanda qui renouait alors avec cette tradition d’Outre-Manche.

Cette démonstration de (toute petite) érudition achevée, venons-en donc à Whisky à gogo qui m’a bien déçu. Et déçu malgré son titre qui sonnait originalement lorsque j’en ai découvert l’existence au début des années 60 ; la boisson n’avait pas alors atteint le niveau de notoriété et d’omnipotence qu’elle a aujourd’hui et le fait de la servir à gogo (de l’ancien français gogue, réjouissance), c’est-à-dire à foison, à discrétion allumait dans nos yeux des lueurs vermeilles.

Il y avait aussi l’exotisme rude d’une sauvage île d’Écosse, Barra, dans les Hébrides extérieures, dénudée, sans un arbre, au ciel lourd de nuages, aux côtes déchirées et aux collines impérieuses. Et l’adaptation romancée d’une histoire vraie, le naufrage au large de l’île d’un cargo chargé de plus de 250.000 caisses de whisky.Or il se trouvait que, mal ravitaillés durant la période la plus rude de la Guerre (1943), les habitants étaient absolument privés de leur carburant habituel, d’autant plus nécessaire à la vie sociale que l’île ne compte pas, hors le pub, le moindre lieu de réjouissances communes, et que l’économie, à base de l’exploitation des tourbières, de l’épaisse laine des moutons et des produits de la mer froide n’est pas bien prospère.

Comme c’est le premier film d’Alexander Mackendrick en tant que réalisateur, on peut ne pas trop lui reprocher de caractériser insuffisamment les personnages de la société ilienne. Tous, même parmi les premiers rôles, sont flous, inconsistants, sans intérêt. Le plus creusé est sans doute celui du capitaine Paul Waggett (Basil Radford) investi de la défense de l’île, suffisant, pénétré de sa fonction et de son importance (toute relative, bien sûr) et qui, bien entendu, s’oppose catégoriquement au pillage de l’épave par les habitants. Il a pour adjoint George Campbell (Gordon Jackson), un garçon timide, entièrement sous la coupe de son autoritaire mère (Jean Cadell), bigote presbytérienne qui lui interdit à peu près tout. Et puis arrive en permission à Barra le sergent Odd (Bruce Seton).

Ces deux jeunes hommes sont amoureux des deux filles du receveur des Postes Joseph Macroon (Wylie Watson), George de Catriona (Gabrielle Blunt), le sergent Odd de Peggy (Joan Greenwood). Règne un peu au dessus de tous ces gens très simples le docteur Maclaren (James Robertson Justice) qui est un peu le sage de l’île mais n’est pas assez mis en valeur pour qu’on le place au premier rang.On aura vite compris que la cargaison de whisky est saisie par les habitants de l’île, que les amoureux se retrouveront au mieux et que tout ira dans la plus belle des conclusions.

Il n’y a pas beaucoup d’événements, pas beaucoup de surprises, pas beaucoup de tension dans le film. Heureusement il ne dure que 80 minutes, ce qui est très largement suffisant.

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