Zombie

Légèrement écœurant.

Autant le dire d’emblée, le Zombie n’occupe pas, dans mon bestiaire des créatures horrifiques, une place éminente et passe bien après les suppôts de Satan, les vampires, les maniaques sanguinaires et même les loups-garous. Leur côté pauvres victimes innocentes d’un Mal qui leur est tombé dessus comme la misère sur le pauvre monde m’agace même assez. Mais ils font indéniablement partie du genre depuis La Nuit des morts-vivants et tout amateur de  sanguinolence se doit de les fréquenter un peu.

Zombie jouit d’une grande notoriété, due apparemment à ses démêlés avec la censure française et à l’invraisemblable quantité de cervelles écrabouillées, de tripailles fumantes exhibées, de litres d’hémoglobine répandus, de tibias et d’humérus mastiqués. Autant dire qu’avec ces images d’une crudité naïve, et pourtant à la fois souvent insoutenable. On fait naturellement aujourd’hui beaucoup mieux dans le terrifiant et dans l’immonde, parce que les effets spéciaux ont gagné considérablement en qualité, mais aussi parce qu’on s’est habitué à l’horreur ; peut-être un peu trop d’ailleurs.

Ce concours de découpages et d’explosions de boîtes crâniennes, de poitrines palpitantes et d’abdomens éventrés n’est pas le meilleur du film, loin de là. On se lasse même assez vite, passé les premiers émois de ces exhibitions. Mais quelle place Zombie garderait-il dans notre imaginaire s’il n’était porteur d’interrogations intéressantes ?

zombieus02La plupart des commentateurs ont vu dans le film de Romero une critique acide de la société de consommation ; j’en admets bien volontiers la pertinence, l’essentiel du film se déroulant dans un de ces centres commerciaux gigantesques que les Étasuniens sont parvenus à présenter comme l’échelon ultime de la modernité et du bonheur de vivre à des gens qui bénéficiaient pourtant de l’infinie variété des étalages des rues commerçantes et des marchés de plein air… En tout cas les quatre principaux protagonistes, tout comme les zombies, tout comme les voyous bikers sont prisonniers d’un tropisme consumériste qui avait encore, en 1978, quelques belles années devant lui (et, à dire vrai, en a encore).

Cela étant, le début du film, avant que les quatre fuyards se soient réfugiés dans le centre commercial, début qui présente habilement l’affolement général devant l’épidémie m’a fait songer à deux des terreurs survenues en Occident depuis trente ans. Le discours moral, politiquement correct, humaniste, droits de l’Hommiste et tout le bataclan qui se heurte aux exigences sociétales de la survie. Deux terreurs : le SIDA, épidémie irrationnellement terrifiante ; l’islamisme radical qui menace la Civilisation selon des normes incompréhensibles à l’humanisme occidental. Lorsqu’au tout début du film, le représentant gouvernemental, honni, haï, vomi par toute l’intelligentsia télévisuelle, appelle à une guerre sans merci contre le fléau parce qu’il s’agit de la survie de l’espèce, on est fondé à se demander si Romero, 23 ans avant le 11 septembre, n’avait pas, avec ce qui n’appartient qu’aux créateurs, prévu ce qui allait arriver.

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