Archive for juin, 2024

L’empire des sens

jeudi, juin 27th, 2024

Nipporno délirant.

Tout le monde, ou presque, a entendu parler de ce film exotique, confiné dans les paysages urbains ennuyeux, sombres et encombrés du Japon de 1936, où deux amants sans épaisseur passent leur temps à se donner du plaisir devant les yeux de spectateurs vite lassés. Remarquez, ayant écrit cela, il faut que je mette d’emblée quelques nuances. D’abord parce que se donner mutuellement du plaisir est plutôt davantage agréable que de se jeter des injures à la figure ou s’ennuyer à la lecture d’un livre d’Alain Robbe-Grillet.Puis parce que je crains que nombre des spectateurs aient été ravis de voir cet empilage de baises diverses. (suite…)

Africa addio

lundi, juin 24th, 2024

Le sanglot de l’homme blanc.

Il n’y avait pas de raison pour qu’après les très beaux succès de Mondo cane et de Mondo cane 2 (1962 et 1963), compendium des bizarreries, singularités, horreurs, aberrations magnifiques ou révoltantes qui irriguent le monde et notre pauvre humanité, les auteurs, Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi s’arrêtent en si bon chemin. D’autant plus qu’ils venaient, finalement, de créer un genre cinématographique nouveau, le mondo, à base de documentaires roublards et volontairement choquants. Genre qui a longtemps prospéré (l’admirable Cannibal holocaustLe dernier monde cannibale voire Le projet Blair witch jusqu’à se perdre dans l’horreur des snuffmovies. (suite…)

Les croulants se portent bien

vendredi, juin 21st, 2024

Jeux interdits.

Comme on n’avait pas peur des mots aux temps anciens de la prospérité, on n’appelait pas les vieillards seniors ou – pire ! – personnes âgées, euphémismes ridicules qui n’abusent personne sauf ceux qui sont dans le déni. Mais comme au début des années 60 la jeunesse commençait à avoir droit au chapitre et à s’émanciper un peu, elle s’amusait à trouver pour leurs aînés des sobriquets narquois, ironiques, jamais méchants (tout au moins dans l’esprit). Il y a eu un temps la mode des PPH (Passera pas l’Hiver) aggravé par le PPS (Passera pas la Soirée) pour les très vieux. Il y a eu surtout, souvent destiné aux parents, ce terme de Croulant qui n’est pas mal trouvé et qui dépeint assez justement l’âge où hommes et femmes abordent la pente descendante de la vie : la cinquantaine. (suite…)

Les gueux au Paradis

samedi, juin 15th, 2024

Bluette ennuyeuse.

Je ne suis pas très féru de Fernandel qui a tourné tant et tant de bêtises où lui était laissée la bride sur le cou que l’on pourrait compter sur les doigts des deux mains ses rôles de qualité, au milieu d’une jungle de plus de 120 films dont peu demeureront à la postérité. Mais – soyons clair – l’acteur pouvait être quelquefois exceptionnel quand il était tenu par un grand texte (Marcel Pagnol) ou un grand réalisateur (Claude Autant-Lara ou Julien Duvivier). En contraste Jules Raimu n’a pas raté grand chose, même s’il s’est laissé quelquefois entraîner vers de petits films sans importance ; pourtant, quelle constance dans le talent ! (suite…)

Les amours d’Astrée et de Céladon

vendredi, juin 14th, 2024

Les druides ont bien du mérite.

Ne jamais oublier qu’Éric Rohmer a de tout temps été habité par la Littérature. Deux échecs au concours d’entrée à l’École Normale Supérieure (Ulm), un à l’agrégation de Lettres classiques. Se souvenir que chacun des six films de ses Comédies et proverbes (de La femme de l’aviateur – 1981 – à L’ami de mon amie –1987 -) est illustré par un aphorisme (quelquefois inventé ou détourné) issu de la plume d’un grand écrivain. Et qu’il a réalisé quatre escapades dans des adaptations littéraires. L’une est très réussie : La marquise d’O d’après Heinrich von Kleist en 1976, une autre très singulière, confondante et, à mes yeux, absolument ennuyeuse, Perceval le Gallois inspirée de Chrétien de Troyes en 1978, une autre encore, fascinante, L’Anglaise et le Duc en 2001, d’après les mémoires de Grace Elliott, maîtresse du duc d’Orléans, avec ses décors en images d’Épinal. (suite…)

Simplet

lundi, juin 10th, 2024

Trop belle pour lui.

Pendant une bonne trentaine d’années, il y a eu, dans le cinéma français, un genre bien particulier : celui de la provençalade, cousu de paysages délicieux, de chants de cigales, de bonnes doses de pastis, de répliques tonitruantes, de trognes sympathiques, d’accents qui fleuraient l’ail et l’artichaut barigoule. Mais aussi, assez souvent de grains d’amertume que sèment les amours difficiles, les filles abandonnées, les déceptions des braves gens. Si l’on se penche avec un tout petit peu d’attention sur les films de Marcel Pagnol (y compris la Trilogie de Marius, qui est moins provençale que marseillaise), on s’apercevra vite qu’il y a bien des gouttes tristes ; et qu’avec un peu de férocité, on pourrait se retrouver du côté souvent glaçant de la comédie italienne.

(suite…)

Bal Cupidon

jeudi, juin 6th, 2024

L’assassin est dans l’annuaire.

Ce qu’il y a de meilleur, dans ce film de grande série tourné sans éclat et sans ennui par le fertile Marc-Gilbert Sauvajon, c’est sûrement l’atmosphère de la vie bourgeoise cossue de Cheranzy, petite ville de province quelques années après la fin de la guerre. Au fait, de la guerre il n’en est pas question une seule seconde, pas même pour évoquer des trafics, des dénonciations, des déportations. Et les seules lettres anonymes dont on parle sont écrites pour évoquer l’infidélité d’une jolie jeune femme à son vieux mari. On peut penser que la population française, en 1948, n’avait absolument aucune envie qu’on la replonge dans les histoires douteuses où chacun avait à peu près trempé et pris sa part. (suite…)

La Passion de Jeanne d’Arc

jeudi, juin 6th, 2024

La marche au supplice.

On peut se demander quel serait le film de Carl Dreyers’il avait été parlant, comme il avait paraît-il, été envisagé. Ce qui semble étonnant, car le son commençait à peine à prendre sa place dans le cinéma, mais la chose est pourtant attestée. Elle n’a pu être mise en place pour des questions de finances ou de disposition du matériel et on peut le regretter. Car ce qui empêche un peu d’élever La passion de Jeanne d’Arcau rang de grand chef-d’œuvre du cinéma, c’est précisément une sorte de manque : on s’aperçoit bien que des dialogues font défaut pour expliquer, amplifier, orienter le récit du procès. (suite…)