Quand j’ai vu ces Valseuses dans leur jus, à la sortie du film ou un peu après, en 74 ou 75, ça ne m’avait pas déjà tellement plu. Et cela malgré l’irruption au premier plan des écrans d’un trio d’acteurs sidérants et magnifiques, Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Miou-Miou, qu’on ne connaissait pas du tout jusqu’alors.
On ne connaissait pas davantage Bertrand Blier, fils de son père, qui s’était pourtant fait une petite notoriété avec Hitler, connais pas, documentaire assez vif et scandaleux sur l’indifférence de la jeunesse à son histoire. Mais avec Les valseuses, Blier commençait en fanfare et en immense succès une carrière qui depuis s’est essoufflée et n’a plus beaucoup de poids dans le cinéma, au point que son dernier film, Le bruit des glaçons qui a pourtant obtenu un certain succès critique et public, date déjà de cinq ans.
C’est que le bonhomme est rude et son style guère aimable. S’il y a une constante chez lui, c’est bien la noirceur, l’aigreur, le sarcasme et, avant tout, le mépris qu’il a pour ses personnages. Misanthropie solide, avec une touche de misogynie supplémentaire qui va presque jusqu’au mépris des femmes : frigidité – avec son corollaire, la nymphomanie – (Les valseuses, Préparez vos mouchoirs), omniprésence épuisante (Calmos, Mon homme), incertitude des rôles (Tenue de soirée, Trop belle pour toi) et des fonctions (Merci la vie).
Mais tout cela nous ne le savions pas en découvrant Les valseuses. Que voyait-on, pourtant ? Une irruption tonitruante de la voyoucratie dans le paysage cinématographique français. Des types sans avenir et sans perspective qui vivaient au jour le jour, buvaient des coups, en tiraient d’autres, se fichaient des lois et des convenances et n’avaient pas, en plus, la moindre envie de faire la révolution, ce qui changeait agréablement, quelques années après les billevesées de Mai 68. Individualisme intégral, anarchisme cradingue, mépris de soi et des autres. En guise de vent frais, plutôt un pet puant dans le cinéma français.
Quarante ans plus tard, les audaces des Valseuses ne choquent plus guère, ce qui montre bien le degré d’avilissement de notre bel aujourd’hui. Mais le film demeure déplaisant, âcre et dégueulasse.
Et plein de talent, ce qui est tout de même bien agaçant.