La tragédie d’un homme ridicule.
Évoquant la comédie à l’italienne dans le supplément du DVD, Dino Risi dit substantiellement, que, devant des réalités identiques, les Français ont tendance à se prendre au sérieux, les Italiens à se moquer d’eux-mêmes. Partant de prémisses analogues, Dernier amour, tout au moins dans sa première moitié, et La fin du jour aboutissent, de fait, à des dénouements différents, tragiques ici, sarcastiques là. Et, pour autant portent un même regard sur cette abomination qu’est la vieillesse.
Toute comparaison a ses limites : Ugo Cremonesi, dit Picchio, (Ugo Tognazzi) n’a rien du cynisme et de la cruauté de Sinclair (Louis Jouvet) et Renata (Ornella Muti) a beaucoup plus de substance et beaucoup moins de naïveté que Jeannette (Madeleine Ozeray) ; n’empêche que la plongée dans l’affreux monde des hospices de saltimbanques donne à la fois le même froid dans le dos et le même ricanement devant la prétention, la jactance et le délire prétentieux des comédiens dans la dèche. Cette sorte de carnaval perpétuel qu’ils jouent à eux-mêmes et aux autres, ce besoin de paraître, de se montrer, de recueillir les applaudissements, même convenus et de complaisance de leurs frères de misère.

La seconde partie du film où Renata est captée par les lumières de Rome et où Picchio revient seul et lessivé à la maison de retraite est moins vive que la première, plus convenue, aussi, mais elle vibre pourtant bien fort, parce que Dino Risi ne se refuse pas à son sujet, qui est pathétique et désespérant et qu’il tourne, donc, comme on doit tourner, sans laisser la moindre place à la moindre éclaircie.
C’est noir, mais c’est évidemment drôle, émaillé de dialogues brillants : Picchio arrivant à la pension, demandant à un serviteur : « – On est bien dans cette maison ? – C’est comme chez soi ! – J’espérais que ce serait mieux ! » ou Renata répondant à ses premières avances : « J’ai passé la journée avec grand-mère, j’ai pas envie de passer la nuit avec grand-père !« . Il y a des trucs qu’on n’oserait pas raconter, mais qui font éclater de rire (le sexe coupé chez le coiffeur), des numéros d’acteur éblouissants (Tognazzi mimant des joueurs de billard, ou imitant Toto) et un sens inné du pathétique (le visage défait du pauvre vieux qui a accepté de conclure un mariage blanc avec une blonde Polonaise et qui est triste, si triste et si seul lors de la fête, la virée sur une plage déserte de tous les vieux comédiens expédiés là par le Directeur qui pendant ce temps, se tape la serveuse du restaurant où le déjeuner a eu lieu…).
Tognazzi est magnifique, comme on le connaît et on l’aime, immense acteur à cent visages. Mais si j’avais déjà beaucoup apprécié le jeu d’Ornella Muti dans la trilogie (Un couple épatant/Cavale/Après la vie) de Lucas Belvaux, qui date de 2002, je ne connaissais pas bien sa beauté et ses qualités de 1978 : elle est vraiment au niveau de son partenaire. Et ce Risi est au niveau de ses acteurs. À moins que ce ne soit le contraire. Ou les deux.