La Révolution française

22971  Buveurs de sang.

Le passage, il y a quelques semaines de La révolution française sur une des chaînes de la TNT m’a donné l’occasion de découvrir le film aux deux réalisateurs. Mais – malédiction ! – le disque dur de ma box était déjà trop rempli et j’ai raté plus d’une moitié des Années terribles, mon enregistrement s’arrêtant malencontreusement sur le départ de la Reine vers l’échafaud le 16 octobre 1793. Autant dire que je n’ai pu voir, après cette immolation, ce qui m’aurait fait plaisir : le découpage sur ce même échafaud de toutes les canailles dont trop de nos places et nos rues portent le nom. Car il y a, en France des rues Danton, Robespierre et même Marat (oui, des rues Marat : à Ivry sur Seine et à Decines, dans la banlieue lyonnaise ; pourquoi pas des rues Josef Goebbels ou Heinrich Himmler du côté de Stuttgart et de Munich ?)… En tout cas, j’achèterai vite le coffret pour regarder ce qui m’a manqué.

11756770_10206294578538594_1845458957_o-600x337En tout cas ce que j’ai pu voir des six heures de La révolution française me paraît montrer assez bien la logique implacable du déroulement des événements, de l’entraînement vers la Terreur des apprentis sorciers. Le film, qui se serait alors déporté dans des dimensions encore plus importantes, ne peut naturellement pas évoquer les vingt dernières années de l’Ancien régime, marquées par l’effort désespéré de briser les rigidités et les blocages du pays (réformes Maupéou de 1771) et la coalition contre nature de la bourgeoisie, classe montante et de la noblesse, classe figée. (On me dira, avec une certaine pertinence, qu’aujourd’hui, réformer la France paraît aussi compliqué). C’est dommage, aussi, d’une certaine façon, parce que la Révolution paraît surgir ex nihilo d’un mécontentement presque conjoncturel (les très mauvaises récoltes des années 87/88/89), alors qu’elle émerge des fariboles idéologiques des Encyclopédistes et de l’avidité des marchands.

leprocesduroiMais des apprentis sorciers, donc. Des envieux et des aveugles qui ouvrent la boîte de Pandore et, pour le bonheur d’un peuple mythique (ce brave populo qui marche à tout et qui se fera consciencieusement massacrer pendant les guerres sanglantes de l’Empire) inventent, à la fin du siècle le plus civilisé de notre histoire, la loi des suspects et le premier génocide systématique, celui des Vendéens.

Il semble que La révolution française fasse un peu l’impasse sur ce dernier point et ne l’évoque qu’allusivement, ce qui est bien dommage. Mais comment ne pas se féliciter de voir enfin évoqués les massacres de Septembre (92) leur sauvagerie, les bandes de canailles et de poissardes assassinant des prisonniers et demandant toujours plus de sang, le procès du Roi, ses dernières paroles d’apaisement couvertes par le roulement des tambours ordonné par l’infernal Santerre (Marc de Jonge), encore une de ces canailles dont une rue de Paris porte le nom ; et quelle merveilleuse, lumineuse idée d’avoir confié à Christopher Lee le rôle de Sanson ! Qui d’autre pouvait mieux incarner le bourreau que le plus grand des buveurs de sang du cinéma ?

Au fait, comment ne pas s’interroger sur l’esprit de cette Révolution française, financée dans les cadres du bicentenaire de 1789 ? Manifestement, compte tenu de l’éclat et de la qualité de la distribution, les moyens n’ont pas manqué à Robert Enrico et Richard T. Heffron (au fait, pourquoi cet inconnu ?). Et personne, au sommet de l’État, n’a lu le scénario, si manifestement contre-révolutionnaire ?

À moins que le président François Mitterrand, dont la jeunesse fut proche de L’Action française et qui avait pour la monarchie l’inclination de tous ceux qui connaissent un peu notre Histoire, n’ait voulu, en pied-de-nez qui lui ressemblerait assez, montrer le peu de goût qu’il avait pour l’affreuse période de la Terreur…

7 août 2015

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Je ne pouvais évidemment pas demeurer sur ma frustration et me contenter de n’avoir vu que les deux tiers de La révolution française pour une sotte question d’enregistrement ! D’autant que le coffret DVD est d’un prix abordable et qu’il vaut la peine de le posséder, de le diffuser, de le recommander, de le prêter pour que chacun puisse voir les affreuses origines de notre bel aujourd’hui, les crimes sur quoi il s’est constitué et les impostures sanglantes qui le fondent.

desmoulins_robespierreDès la mise à sac des Tuileries, en août 1792 et le carnage de la garde suisse, on voit bien qu’il y a de la part des Révolutionnaires une course effrénée vers l’effusion de la plus grande quantité de sang : Faites tomber 100.000 têtes, et la Révolution sera sauvée comme dit plaisamment Marat (Vittorio Mezzogiorno). Le deuxième segment du film, réalisé par Richard T. Heffron, montre de façon très convaincante l’engloutissement, la course à l’abîme de tous ces fous furieux qui ont déchaîné les enfers et qui seront tous, ou presque, avalés par leur folie. Si la terreur cesse, tout ce que nous avons construit s’écroulera ! assène Robespierre (Andrzej Seweryn) à Camille Desmoulins (François Cluzet) qui commence – bien tard ! – à s’inquiéter des flots de sang versés. Et Desmoulins, brusquement conscient, éveillé du cauchemar Peut-être n’avons-nous rien construit : c’est juste un rêve….

Revolution4Un rêve d’épouvante : horreur des Massacres de septembre, des prisonniers égorgés, éventrés, poignardés, saignés dans les cellules qui en portent encore aujourd’hui la marque comme à la prison des Carmes, rue de Vaugirard à Paris ; horreur des exécutions publiques place de la Concorde, de l’échafaud en perpétuel fonctionnement devant la foule avide, béate d’admiration devant le spectacle (ne noircissons pas trop le tableau : je gage qu’elle le serait à nouveau, ravie et complaisante, si ces holocaustes étaient à nouveau pratiqués ; et peut-être même serais-je aux premières loges !). Horreur du sang, horreur de la haine : le chef des Enragés, Hébert (Georges Corraface) tentant d’accuser la reine Marie-Antoinette (Jane Seymour) d’avoir perverti et pollué le Dauphin Louis-Charles (Sean Flynn)… Abomination de ces gens… (Au fait je lis sur Wikipédia que Dans les années 1980, la municipalité (alors socialiste) d’Alençon (…) a discrètement nommé en l’honneur de Hébert une cour piétonnière donnant accès à un groupe de maisons anciennes rénovées au centre du vieil Alençon, entre la Grande-Rue, la rue des Granges et la rue de Sarthe. Cette cour Jacques-René Hébert n’est signalée sur aucun plan de la ville. Il y a des canailles qui n’ont pas le courage de leurs immondes fiertés).

Je renouvelle mon étonnement que cette Révolution française, qui présente clairement la France de 90 à 94 comme un enfer où les pires fantoches sanguinolents pérorent hautement à la tribune avant d’être rituellement coupés en deux par le bourreau Sanson (Christopher Lee) ait pu être financée sur les crédits de la Mission de Commémoration mise en place par le gouvernement. Souvent le Diable porte pierre ; et les pires nuits finissent par laisser la place à l’aurore.

21 septembre 2015

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